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achevées. Il a suffi d’en resserrer la trame et d’en ramasser l’ensemble pour en déterminer nettement la pensée, un peu délayée (à dessein peut-être) dans une conversation supposée. À ces aventureuses prévisions du sénateur, le comte, pour rester aussi dans son rôle, oppose quelques vagues conseils de prudence ; mais après tout, pourvu que l’autorité soit sauve et que rien ne se fasse par voie d’hérésie, il saluer, lui aussi, ces espérances de rénovation catholique. Qu’après, avoir bien médité ces novissima verba de Joseph de Maistre, on relise donc ses principaux ouvrages, mais à la condition, sur laquelle nous avons si souvent insisté, de faire abstraction de tout, ce qui est en lui préjugé d’éducation, ressentiment politique, passion, saillie, hésitation même bien facile à concevoir en si grave matière, et l’on y entreverra partout, dès qu’il se livre à son inspiration propre, ce pressentiment, plus ou moins explicite, plus ou moins enveloppé, d’une évolution extraordinaire dans le catholicisme. Ici, au moment de conclure et presque en présence de la mort, il ose davantage, il ouvre pour ainsi dire toutes les écluses à sa pensée qui veut s’épandre. Mais qu’est-ce donc enfin, pourra-t-on se demander, que cette « révélation de la révélation » qu’il croit nécessaire, imminente, qu’il appelle, qu’il montre aux horizons prochains ? Sera-ce une nouvelle apparition visible de la Divinité ?, Sera-ce plutôt un élargissement doctrinal qui, préparé par les travaux du génie et autorisé par ce « sens chrétien progressif » dont parle Mœhler, « unira par leurs affinités naturelles la science et la religion, » et mettra plus à l’aise l’esprit moderne, qui « s’agite contre les barreaux de sa cage ? » Peu nous importent les conjectures qu’il a pu faire à ce sujet. Toujours est-il qu’il s’agit, on l’a vu, de ce qu’il appelle une « sage exégèse » des Écritures, et ce qu’il entend par là, à en juger par le reste, n’est.pas peu de chose. Sous le récit littéral, expression « des idées régnantes à telle ou telle époque ; » forme « souvent grossière » des mystères divins, il est temps, selon lui, de chercher, une vérité plus pure et un sens plus spirituel. Le paradis terrestre, Babel, la descente aux enfers, tout l’anthropomorphisme physique, tout le mythisme de l’Ancien et du Nouveau-Testament sont à détruire par une plus libre interprétation, de la même manière que saint Paul a détruit le mosaïsme, de la même manière qu’Origène, avec sa méthode allégorique, était en train déjà au IIIe siècle de transformer prématurément le christianisme. Il faut en même temps « nettoyer » le polythéisme ; montrer que « les traditions antiques sont toutes vraies, » établir la concordance de toutes les religions, et trouver ainsi la religion universelle, le vrai catholicisme. Ce sera la troisième manifestation de l’ordre divin, la seule qui puisse fonder « la grande unité, » car le christianisme n’avance