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JOSEPH DE MAISTRE
ET LAMENNAIS

LES TENDANCES COMMUNES
ET LES RESULTATS DEFINITIFS DE LEUR PHILOSOPHIE.

Dans deux précédentes études, l’une sur Joseph de Maistre, l’autre sur Lamennais[1], nous avons essayé d’éclaircir l’origine et le sens d’un principe d’évolution introduit par eux dans la controverse catholique de ce siècle. Le premier essaya de rendre raison des dogmes chrétiens en les présentant comme « l’expression divinisée des lois générales du monde, » et, fort de cette pensée, il entra hardiment dans les recoins les plus obscurs du sanctuaire. De son côté, Lamennais, reprenant d’autres considérations ébauchées par son hardi prédécesseur, chercha dans les traditions des peuples la raison générale de l’humanité, dont il fit la religion vraie, et réduisit le christianisme à une simple épuration des croyances universelles. Nous avons remarqué que cette tentative leur fut suggérée par l’urgente nécessité d’armes neuves pour la guerre philosophique. La révolution, ce sphinx du bien et du mal dont ils ne comprenaient pas l’énigme, les avait étreints, et ils s’étaient raidis contre elle ; mais en même temps ils avaient pressenti, quoique d’un pressentiment vague et à travers leurs anciennes pensées, que la commotion qu’ils en avaient reçue n’était que le prélude d’une rénovation religieuse. Problème redoutable ! mais ils l’abordèrent d’un cœur prophétique, et ils cherchèrent à lui arracher la nouvelle manifestation de Dieu. Ainsi Jacob,

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1858 et du 15 août 1860.