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par l’escadre italienne, qui se montrait à l’horizon au moment même où nos vaisseaux quittaient leur mouillage.

C’était le 19 janvier, après quelques jours passés en négociations inutiles. Nul d’ailleurs ne se faisait moins d’illusion que François II sur la valeur des moyens de résistance dont il disposait ; il ne se méprenait nullement sur l’incapacité militaire de bien des hommes qu’il avait autour de lui, sur la faiblesse de quelques-uns, sur l’état de ses troupes, affaiblies par la misère, les maladies et une nourriture insuffisante ou mauvaise. Il n’ignorait pas que toute sa force était dans un petit nombre d’hommes décidés, Napolitains ou étrangers, animés à ce seul cri : « l’Europe nous regarde ! » il savait enfin quels moyens de destruction les Piémontais amassaient contre cette malheureuse ville vouée à la destruction et désertée par ses habitans. Lui-même, dans ces derniers instans, il était souffrant et fatigué. Il ne persistait pas moins, après quelque hésitation, à repousser les propositions que le général Menabrea, chef du génie piémontais devant Gaëte, était chargé de lui porter. François II cédait peut-être à son propre mouvement intérieur ; mais par une circonstance imprévue il recevait aussi en ce moment suprême des conseils de résistance du corps diplomatique qui s’était retiré à Rome depuis quelque temps, et qui revenait à Gaëte le 16 janvier pour complimenter le roi le jour anniversaire de sa naissance. Le corps diplomatique lui laissait entendre qu’il ne ferait pas tout son devoir s’il ne résistait pas jusqu’à la dernière extrémité, que son honneur pourrait être entaché, aux yeux de l’Europe, d’un acte de faiblesse, et il est certain qu’une telle pensée devait émouvoir un cœur simple et religieux. Malheureusement le corps diplomatique, prodigue de conseils, était moins disposé à appuyer ses paroles de l’autorité de ses actions, et alors une scène curieuse se passa. Le roi écouta ce qu’on lui disait, exposa à son tour les raisons qui rendaient la résistance désormais impossible, et il finit par dire aux ministres étrangers qui persistaient à lui conseiller de rester à Gaëte que, puisqu’il cédait, lui le roi, à leur avis, ils lui devaient, de leur côté, de le soutenir de leur présence, de partager les dangers que, pour répondre à l’opinion de leurs gouvernemens, il allait braver avec sa jeune femme et ses frères. Ce fut, qu’on me passe le terme, une vraie débandade dans le corps diplomatique : l’un partait pour revenir bientôt avec une flotte, un autre était accrédité à Rome et devait y revenir au plus tôt, celui-ci était trop atteint dans sa santé. Il ne restait, dit-on, à Gaëte le 19 janvier, au moment du départ de la flotte française, que le nonce du pape, les ministres d’Autriche, de Saxe, et l’ambassadeur d’Espagne, M. Bermudez de Castro, aujourd’hui marquis de Lema, qui a joué un rôle actif dans toutes les crises de la royauté napolitaine depuis un an,