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de terre de son royaume, dans une forteresse de la Méditerranée assiégée par les Piémontais, à demi protégée par les vaisseaux de la France : campagne inutile si l’on veut, feu perdu pour une cause compromise par la politique avant d’être trahie par les armes, et qui n’est pas moins un des plus singuliers, un des plus dramatiques épisodes dans cette succession d’événemens ! Je ne veux rien dire pour diminuer ce qu’il y a d’émouvant dans ce spectacle d’un prince qui croit devoir à son honneur et à l’honneur de son armée de soutenir le choc jusqu’au bout, qu’une jeune et courageuse reine anime dans ses résolutions en s’associant à ses dangers. Tout ce qu’on peut dire, c’est que si François II eût porté dans la politique, s’il eût trouvé à l’heure opportune cette simple et virile netteté d’action qui est aujourd’hui tardive, comme toutes les résolutions de ce prince, il eût tout changé sans doute. Résister après avoir quitté Naples sans combat, en présence d’une population compromise dans une autre cause, d’un pays détaché, d’une révolution adoptée par l’Italie et servie par le Piémont, en présence du principe de non-intervention maintenu et d’un abandon de l’Europe que ce gouvernement fugitif a constaté lui-même avec amertume, ce n’était plus que l’acte d’un pouvoir se raidissant contre la fortune, sans espoir de conjurer ses rigueurs, et ne pouvant arriver qu’à se relever dans l’esprit des hommes par la dignité de la chute. Chose étrange, le seul appui qu’ait trouvé François II dans l’extrémité où il s’est vu réduit est venu de la France, qui a plus fait que tous les autres gouvernemens.

L’erreur a été de croire que cet appui, acte tout d’humanité, marque de sympathie, témoignage d’égards pour une infortune royale, pouvait à un moment donné se transformer en une intervention décidée pour faire revivre une royauté qu’on avait laissé périr ; mieux eût valu en ce cas la soutenir quand elle était debout. Non-seulement il était trop tard, mais de plus, dans l’état de l’Europe, la défense prolongée de Gaëte ne pouvait avoir qu’un sens, celui de gagner du temps, de ménager à l’extrémité de la péninsule un centre d’action, un allié à l’Autriche, un embarras à l’Italie dans une guerre nouvelle, si elle éclatait. Ce ne pouvait être la politique de la France. La France avait prodigué les conseils au roi de Naples pendant son règne d’un an ; elle le soutenait moralement pendant trois mois, et le préservait par la présence de ses vaisseaux. Aller au-delà, c’était abriter ce travail de guerre civile qui se faisait par les états pontificaux et débordait dans les Abruzzes. Si François II ne voulait que sauver son honneur, c’était assez ; si sa défense avait un sens politique, c’était trop. De là la récente retraite de notre escadre partant de Gaëte après avoir ménagé entre les deux camps un armistice resté sans résultat, et laissant le dernier asile de la royauté napolitaine cerné tout à la fois par l’armée piémontaise et