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qu’il avait commencé et qu’il était impuissant à diriger, c’était donner une importance nouvelle à Mazzini et à tous les sectaires accourus avec lui pour faire du royaume napolitain le centre et le foyer d’une action perturbatrice. Le dictateur eût été sauvé encore sans doute, comme il l’était au premier moment, par la fidélité de son attachement au roi Victor-Emmanuel : l’eût-il été longtemps, et sa popularité ne serait-elle pas devenue le drapeau de tous les factieux de la péninsule ? Laisser Garibaldi, dans son imprévoyante témérité, aller se heurter avec ses bandes contre notre armée qui est à Rome, ce n’était pas bien grave pour nous certainement, et nos soldats, je pense, n’en ont pas frémi ; mais c’était exposer la cause italienne au désastre d’un choc avec l’allié qui a le plus contribué à son triomphe. Pour le Piémont, il s’agissait bien moins d’épargner à nos soldats le désagrément d’une rencontre avec les volontaires, de les couvrir, que de se couvrir lui-même et de couvrir l’Italie. En un mot, dans cette révolution qui s’agitait à Naples, il y avait à dégager l’idée nationale italienne de tous les élémens de sédition et de perturbation qui pouvaient la compromettre ou la conduire à de ruineuses entreprises. Et voilà comment le Piémont se trouait entraîné à une de ces audacieuses violations de droit public que l’Europe ne pouvait sanctionner assurément, que toutes les puissances régulières désavouaient hormis l’Angleterre, et qui ne s’expliquent, ne se justifient que par les conditions exceptionnelles d’un pays qui aspire de toute la force d’un sentiment national à une vie nouvelle. Voilà comment, dans la pensée de sauver Naples de l’anarchie, Rome d’une attaque folle, l’Italie d’une précipitation de patriotisme vers Venise, le Piémont entrait au mois de septembre dans les Marches et dans l’Ombrie pour entrer bientôt dans le royaume de Naples. Le conflit des deux politiques italiennes se dénouait en réalité par un vote du parlement de Turin qui rendait à M. de Cavour la direction du mouvement national, par une marche en avant de l’armée piémontaise et par l’annexion immédiate des Deux-Siciles ; c’était la fin de la campagne des volontaires et de la dictature de Garibaldi, qui rentrait dans son île de Caprera morose et triste, tandis que le roi Victor-Emmanuel arrivait à Naples et nommait un lieutenant chargé de gouverner les nouvelles provinces. Dès lors la révolution de Naples, sans être finie, prenait un caractère nouveau, et l’unité de l’Italie était à moitié accomplie.

Ainsi se déroule et grandit, à travers une multitude de prodigieuses péripéties, cette situation qui commence par une décomposition de pouvoir pour arriver à ce double fait : la crise de l’assimilation laborieuse du midi de l’Italie sous les auspices du Piémont, et la défense suprême d’un roi qui d’étape en étape, de Naples à Capoue, de Capoue à Gaëte, est allé s’enfermer dans le dernier coin