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que la Sicile aurait des institutions représentatives, avec un prince pour vice-roi, et que la direction des affaires était confiée à M. Antonio Spinelli, homme d’un libéralisme modéré, mais sincère, qui avait été en 1848 l’un des premiers ministres constitutionnels de Ferdinand II. C’était toute une révolution accomplie sous l’influence du retour de M. de Martino, qui revenait de Paris, sinon avec la médiation qu’il était allé chercher, du moins avec la vive impression de la gravité des conjonctures.

Seulement cette révolution était-elle désormais de nature à ramener l’opinion, à redresser une situation égarée dans toutes les impossibilités ? Chose curieuse, l’acte souverain du 25 juin fut d’abord reçu avec froideur à Naples, et ce qui donne une idée des habitudes formées par un long despotisme, on y voyait un leurre, presque une provocation ou un piège. On n’y croyait pas, non-seulement dans la population tourbillonnante de la ville, mais même parmi les hommes éclairés, si bien que M. Spinelli avait quelque peine à former un ministère où entraient le prince Torella, le marquis de La Greca, M. de Martino, un des hommes les plus actifs du moment, M. Giovanni Manna, un économiste intelligent et habile, qui acceptaient le pouvoir avec plus de zèle et de dévouement que de foi au succès. Un avocat de Naples, qui allait être le tribun du nouveau régime, M. Liborio Romano, fut préfet de police avant de devenir le ministre de l’intérieur chargé des funérailles de la dynastie. François II subissait, avec toutes les fatalités que lui avait laissées son père, cette fatalité de défiance qui depuis tant d’années faisait peu à peu de tous les esprits libéraux des ennemis de la maison royale, et qu’il n’avait pas essayé de vaincre à son avènement. Si la constitution de 1848, à laquelle on revenait de si loin, et l’alliance avec le Piémont eussent inauguré le règne, cette politique, personnifiée en un jeune prince, eût changé sans doute la destinée du midi de l’Italie ; en ce moment, le régime constitutionnel, né dans les transes d’une crise redoutable, apparaissait comme une œuvre de nécessité que François II subissait en roi qui est le jouet des événemens, qui, reprenant un jour ou l’autre sa liberté, reprendrait aussi ses promesses. Une presse naissante n’usait de sa liberté nouvelle que pour mieux dévoiler l’immense incohérence laissée par trente ans de compression ruineuse, pour mettre à nu tout à coup une situation où il n’y avait que des absolutistes irrités, déçus, toujours prêts à tenter quelque réaction, et des libéraux qui désormais tournaient leurs regards d’un autre côté, vers Victor-Emmanuel ou Garibaldi, qui étaient presque ouvertement annexionistes.

Ce qu’il y avait de possible encore d’ailleurs dans un raffermissement de la dynastie par le régime constitutionnel tenait visiblement