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du nord, une ville existe de temps immémorial. Goslar est située ainsi, et il n’est pas de cité plus charmante ni plus riche en souvenirs. Les rues qui montent et descendent sous de fortes pentes, les ruisseaux d’eau limpide qui courent dans de petits canaux, tout rappelle déjà la montagne ; mais le paysage n’a pas encore la tristesse et la froide solennité du Harz lui-même. Il s’y mêle quelque chose de riant et d’animé. Si la vue est bornée d’un côté par de hautes cimes, de l’autre s’ouvrent encore de vastes horizons. Les souvenirs du saint-empire romain sont toujours vivans à Goslar : l’aigle héraldique s’y montre partout. Je m’arrêtai à contempler un de ces aigles, tout en cuivre, armé des ailes les plus étranges, et placé sur une fontaine en bronze dont l’âge se perd dans la nuit des temps. Peut-être les premiers blocs métalliques tirés du Rammelsberg ont-ils servi à fondre ce bassin où l’eau coule depuis tant de siècles. Sur la même place que cette fontaine mystérieuse s’élèvent le Rathhaus, bâti par l’empereur Lothaire et terminé à la fin du XIIe siècle, et le Kaiserworth, charmant spécimen de l’architecture gothique en bois. Huit statues d’empereurs sculptées au couteau en décorent la façade. Les figures les plus grimaçantes se tordent aux pieds de ces graves personnages, tous armés de l’épée et le globe à la main. Cet édifice ravissant sert, hélas ! d’auberge, et l’on peut, pour un prix des plus modiques, s’installer dans les chambres de la jolie tourelle que de fiers chevaliers et des empereurs ont autrefois habitée. De ma fenêtre gothique, je regardais les maisons en bois de Goslar, avec leurs poutres découpées et peintes, leurs toits aux formes anguleuses et saillantes, et je pouvais facilement me croire transporté en plein monde féodal.

La capitale de l’Ober-Harz, c’est-à-dire de la région montueuse où sont les mines que j’allais visiter, Clausthal, est à quelques heures de Goslar. À mesure qu’on s’élève dans les montagnes, les sombres flèches des sapins donnent des tons plus sévères et plus durs au paysage. On avance lentement par de longues montées et des descentes que la prudence des conducteurs rendrait également fastidieuses, si l’on pouvait s’ennuyer dans ces beaux chemins qui serpentent entre les rochers, au fond des vallées ou sur le flanc des montagnes. On entend gronder les torrens, dont le bruit frais trouble seul ces solitudes : quelquefois les sapins atteignent une hauteur énorme, et sous leurs cimes entremêlées la forêt n’offre que des profondeurs obscures où se détachent les lignes pâles des troncs dépouillés, tandis qu’au sommet s’étale une magnifique végétation. Les montagnes que la hache a dénudées, et que recouvre une nouvelle culture, ressemblent à de vastes jardins, et les jeunes plants, pareils à des bouquets du vert le plus tendre, y sont distribués avec