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en puérilités, qui ne faisait que s’accroître lorsque survenait la paix de Villafranca, et à sa suite cette politique d’annexion volontaire qui envahissait l’Italie du nord, qui donnait au Piémont plus de provinces que la guerre ne lui en avait donné.

Alors la cour de Naples retombait plus que jamais dans ses incertitudes et ses anxiétés, passant d’une résolution à l’autre, hostile et déroutée, craignant tout, et ne faisant rien pour échapper à la puissance des événemens. Au milieu des transformations qui s’accomplissaient en Italie, elle redoutait bien plus encore qu’elle ne désirait la réunion d’un congrès ; elle ne se sentait nullement rassurée par cette perspective d’une délibération de l’Europe, où la politique napolitaine serait nécessairement mise en cause. Aussi accueillait-elle d’abord cette idée avec peu d’empressement, et même en l’acceptant elle subtilisait ; elle voulait être appelée comme état européen, non comme état italien, imaginant se mettre ainsi hors du débat et éluder l’inévitable connexion des affaires napolitaines et des affaires du reste de l’Italie. Sa première pensée avait été d’envoyer au congrès deux ministres sans portefeuille, M. Winspeare et M. Carascosa, et on donnait de ce choix une raison singulière : c’est que les deux ministres « avaient déjà l’habitude de ne rien faire et de ne rien dire. » C’était là la vraie pensée : annuler les plénipotentiaires en se réservant une attitude de résistance passive et de protestation. La cour de Naples, et ce fut son malheur, ne croyait point à la durée de ce qui se faisait en Italie, parce qu’elle la redoutait ; elle n’avait qu’une médiocre confiance en ce congrès européen où, en présence des dépossessions accomplies déjà dans la péninsule, le principe de non-intervention serait proclamé et maintenu par la France et par l’Angleterre, elle attendait, ne voulant souscrire à rien, et lorsque, du côté de la France, lui venait le conseil sensé, prévoyant et pressant de se rapprocher du Piémont, elle se rejetait dans les subterfuges, se livrant à des représailles amères contre la politique piémontaise et se nourrissant de plus en plus de ses défiances. Au fond, on se débattait dans le vide, ou plutôt, sous ce tumulte de craintes et de velléités contradictoires, une pensée, une passion s’agitait à mesure que les circonstances prenaient plus de gravité. Il y eut un moment, à la fin de 1859 et aux premiers jours de 1860, où Naples était le centre d’une ligue nouée entre Vienne, le cardinal Antonelli, la veuve de Ferdinand II et le roi François. Un échange incessant de correspondances existait entre l’archiduchesse Sophie et la reine-mère de Naples. Le nonce du pape, Mgr Gianelli, était l’un des plus fougueux instigateurs de la résistance. L’ambassadeur d’Espagne, M. Bermudez de Castro, était aussi initié à cette politique, qui consistait à se préparer pour le printemps, à nouer une alliance entre