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la cour survivante de Ferdinand II, foyer de réaction où dominait absolument l’influence de la reine-mère, princesse autrichienne de cœur et de passion comme de sang, atteinte et aigrie tout à la fois par son malheur de veuve et par la crise qui menaçait l’Autriche en Italie. Tout ce qui était dans l’intimité de la cour servait cette influence ; même le confesseur du roi, Mgr Gallo, prêtre, plus fanatique que clairvoyant, qui rappelait sans cesse au jeune souverain que c’était pour lui un devoir religieux d’obéir à la reine-veuve, devenue l’unique dépositaire des pensées et des instructions suprêmes de son père. Une princesse dont on ne peut rien dire aujourd’hui, si ce n’est qu’elle a fatalement contribué à la perte de la royauté napolitaine pour des intérêts qui n’avaient rien de national, quelques gentilshommes accoutumés à tout voir dans l’étiquette de cour, quelques secrétaires et quelques prêtres nourris d’absolutisme et de servilité, c’était là le pouvoir réel dominant le roi lui-même, annulant la plus timide velléité d’action, uniquement occupé à maintenir l’autorité des traditions du dernier règne.

Il n’y avait de changé à Naples que le nom du roi. Rien ne le prouvait mieux que les décrets d’amnistie par lesquels François II inaugurait son avènement. C’étaient des actes de clémence plus apparens que sérieux, qui effaçaient de la liste des suspects, des attendibili, ceux qui y avaient été inscrits, mais en maintenant la liste elle-même, qui au premier coup d’œil multipliaient les grâces, mais en excluant des catégories nombreuses de condamnés politiques, notamment toute l’émigration napolitaine, même ceux que Ferdinand II avait si étrangement graciés en les déportant en Amérique. Tels qu’ils étaient d’ailleurs, ces décrets n’avaient rien de sincère ; des circulaires secrètes en détruisaient tout l’effet, et le lendemain comme la veille les persécutions s’exerçaient contre les suspects. Le gouvernement napolitain le niait, et on lui citait les noms des victimes. À Cosenza, quelques pauvres diables étaient conduits en prison, rasés et exilés pour avoir porté une barbe séditieuse à l’italienne. Bref, c’était une amnistie chimérique tant que la régularité de l’administration et les garanties de justice restaient absentes. Bientôt à Naples même, le 29 septembre, la police s’abattait sur quelques personnages considérables : le marquis Bella, le marquis d’Afflitto, le duc Giordano, M. Ferrigni, M. Vacca, un capitaine de marine, M. Capecelatro, un prêtre, M. Leopoldo Perez, et les jetait en prison pour les déporter sur le rocher de l’Ustica. Les détenus furent relâchés quelques jours plus tard, il est vrai, sur les pressantes remontrances de la diplomatie ; un déplorable effet n’était pas moins produit. C’était toujours le même système, que le roi François II ne suivait pas par choix sans doute, mais qu’il subissait,