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royauté et du peuple napolitain. Les soldats suisses n’étaient point aimés ; on voyait en eux l’instrument étranger d’une compression impitoyable. Presque au lendemain de l’avènement de François II, une mutinerie dans un des régimens au service de Naples faisait une nécessité d’un licenciement qui, accompli de bonne grâce, spontanément, surtout sans arrière-pensée, pouvait être considéré comme un gage de sincérité libérale par la population, comme un acte de confiance par l’armée nationale.

Au dehors, tout semblait aussi s’aplanir devant la jeune royauté. La rupture diplomatique avec la France et l’Angleterre, qui avait été une des épines de la fin du règne de Ferdinand II, cessait par la mort même du dernier roi. Les représentans des deux puissances revenaient immédiatement à Naples sans conditions, sans réveiller une vieille querelle qui n’avait conduit à rien, qui était devenue peut-être un embarras pour tout le monde. Il y avait sans doute des divergences entre les deux politiques qui allaient faire leur paix avec un nouveau roi, et à cette époque l’Angleterre n’en était pas au point où on l’a vue depuis. Le nouvel ambassadeur britannique, M. Elliot, avait pour instruction de travailler de tout son pouvoir à maintenir Naples dans l’isolement, dans la neutralité et dans une ligne de politique ressemblant à un antagonisme vis-à-vis de la politique de la France et du Piémont en Italie. L’Angleterre songeait à cette époque, au mois de mai 1859, à se créer à Naples un levier contre la France. Cette neutralité, sous laquelle on se réservait de glisser un peu d’hostilité, n’était pas, on le comprend, la pensée de la France, qui, sans attacher moins de prix à l’autonomie napolitaine, était naturellement plus disposée à attirer le nouveau roi dans les affaires d’Italie ; mais entre les deux puissances il y avait un accord tacite pour exercer une influence libérale, pour appuyer, pour seconder François II dans l’œuvre réparatrice qui semblait la mission de son règne. Le Piémont lui-même, le Piémont, qui avait aussi sa querelle avec Ferdinand II pour un bâtiment capturé sur les côtes de Naples, ne songeait nullement à cette époque à créer des embarras au jeune roi, et il était sincère, car il était intéressé en ce moment à la bonne amitié avec Naples. Il ne pouvait encore entrevoir cette étrange fortune de l’annexion du midi de l’Italie ; il songeait bien plutôt à prévenir paf sa politique les événemens qui ont fini par provoquer son intervention.

La politique du Piémont était simple, naturelle et tracée par les circonstances. Dès le mort de Ferdinand II, le cabinet de Turin chargeait le comte de Salmour d’une mission extraordinaire à Naples. C’était un acte de courtoisie qui couvrait un acte politique, une proposition nette et directe d’alliance. Il y avait dans les instructions