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européenne tout entière. Et voilà comment le 22 mai 1859 le roi François II montait au trône de Naples au bruit des premiers chocs et des premières commotions qui agitaient déjà le nord de l’Italie.

Un changement de règne, c’était du moins une trêve laissée au royaume de Naples et à la dynastie, dont les destinées jusque-là se confondaient malheureusement trop avec un système à outrance. Les difficultés n’étaient pas moins grandes peut-être au fond, mais elles cessaient de se compliquer de ce qu’y ajoutait l’embarrassante personnalité d’un prince accoutumé à tout manier d’une main de despote, trop engagé d’amour-propre et de passion pour reculer, dédaigneux d’ailleurs de toute réforme, — et une politique nouvelle était possible avec un jeune souverain de vingt-trois ans que rien ne liait au passé. Cette mort soudaine de Ferdinand II devenait ainsi, à vrai dire, comme une dernière faveur de la fortune qui permettait tout, sans que les concessions eussent l’air d’une capitulation de la royauté devant les révolutions intérieures, ou d’un acte de subordination à des conseils étrangers, et c’est là en effet ce que vit l’opinion universelle dans l’avènement de François II. Le nouveau roi de Naples avait tout pour lui, la jeunesse, l’absence de toute complicité dans le dur et inflexible régime de son père, le sang qu’il avait reçu de sa mère et qui le rattachait à la populaire maison de Savoie, les circonstances, qui étaient de nature à inspirer la pensée et à favoriser le succès d’une libérale initiative ; la possibilité en un mot de rentrer simplement et facilement en paix avec son pays, avec l’Italie, avec l’Europe. En réalité, ce règne s’ouvrait donc dans les conditions les plus favorables, justement parce que le règne précédent lui laissait, en compensation des difficultés inhérentes à une compression prolongée, toutes les facilités et toutes les occasions de popularité. Dès le premier moment en effet, les Napolitains, sans céder absolument peut-être à un sentiment de confiance, trop souvent trompé, attendaient du moins du nouveau roi ce qu’ils avaient perdu l’espoir d’obtenir de Ferdinand II. Il y avait dans les opinions une sorte de suspension d’hostilités en présence de l’inconnu. L’idée de l’éviction de la dynastie qui avait fait de redoutables progrès sous le dernier roi s’éclipsait dans la perspective d’un changement favorable, et la pensée d’une fusion de l’autonomie napolitaine dans la grande unité de l’Italie n’était encore assurément que dans quelques têtes exaltées. Il n’eût fallu qu’un mot pour rallier et satisfaire cette population impressionnable et ardente, aussi prompte à se reprendre à l’espoir qu’à se rejeter dans la désaffection et dans l’hostilité. Ce n’est pas tout : une circonstance merveilleuse et imprévue venait se prêter à ce rapprochement de la