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dans tous les cas contribué, et rien n’est plus curieux que de suivre jour par jour, dans des descriptions accompagnées de dessins, les rêves les plus bizarres de cette fièvre qui finira certainement par devenir féconde.

Il paraît certain que le nombre des appareils à vapeur actuellement employés au labourage en Angleterre s’élève à une centaine, dont chacun cultive en moyenne 200 hectares. On paraît également d’accord sur ce point, que l’emploi d’une de ces machines économise le tiers environ des chevaux de trait précédemment employés. La dépense annuelle d’un cheval étant évaluée à 1,000 francs, amortissement compris, l’économie de sept chevaux, sur vingt qu’on emploie ordinairement pour 200 hectares, serait de 7,000 fr. Reste à savoir maintenant combien coûtent l’achat, l’entretien et l’usage de la machine et de ses accessoires ; c’est ce que nous ne pouvons manquer d’apprendre bientôt avec certitude. Un grand avantage est dès à présent acquis à la vapeur, c’est la promptitude et la puissance du travail ; les labours d’automne, les plus importans de tous, deviennent par ce moyen beaucoup plus faciles. Le plus curieux des systèmes à l’essai est celui de Halkett, qui couvre la surface de l’exploitation de véritables lignes de rails espacées de 20 mètres, ce qui suppose une mise de fonds énorme et rarement possible, même en Angleterre. Le plus usité et le plus généralement considéré comme pratique est celui de Fowler, qui a obtenu en 1858 le grand prix de la société royale, et qui a reçu depuis cette époque de notables améliorations ; il se compose d’une machine fixe, qui, placée dans un coin du champ, met en mouvement plusieurs lignes de charrues. Je ne puis que renvoyer pour tous les détails aux études de M. de La Tréhonnais ; je veux maintenant, pour donner un autre exemple de tout ce qui s’imagine et se tente en Angleterre en fait d’idées originales, lui emprunter quelques renseignemens sur un système de culture qui s’écarte des sentiers battus, et qu’on appelle la culture sans engrais de Lois-Weedon.

Tout le monde sait que le caractère distinctif de l’agriculture anglaise est le large emploi des engrais de tout genre, minéraux, animaux et végétaux ; voici cependant une tentative qui va en sens inverse. Voyons d’abord le lieu de la scène, car M. de La Tréhonnais ne néglige pas l’effet pittoresque, et il sait très bien placer ses personnages dans un cadre qui les fasse ressortir. « Au centre de l’Angleterre, dit-il, dans un des comtés les plus essentiellement agricoles, celui de Northampton, existe une petite paroisse paisible et retirée, mais dont le nom est dernièrement devenu fameux. L’accès en est assez difficile, car aucun chemin de fer ne passe dans le voisinage, et les chemins de traverse qui y conduisent ne sont pas très praticables en hiver. Le ministre de cette petite paroisse l’habite depuis un quart de siècle ; c’est un des types les plus heureux des pasteurs ruraux de l’église anglicane. La bienveillance se peint sur sa douce physionomie ; sa parole est élégante, son intelligence cultivée par une éducation classique, son maintien noble et distingué. Il est marié, mais il n’a pas d’enfant. Son habitation est attenante au petit cimetière du village, propre et coquet jusque dans sa tristesse, tapissé de belle verdure et tout émaillé de fleurs au printemps. La maison est basse, petite, irrégulière, mais d’une exquise propreté. Une série de trois pièces chaudement tapissées conduit au cabinet d’étude ; partout les murs sont couverts de rayons bien garnis de livres. Quelques