Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/505

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commandées par le meilleur général de la Chine, ont été chassées devant nos armes comme la poussière est chassée devant la tempête ; il voit les ruines fumantes d’Yun-min-yun, l’ancienne merveille de la Chine ; il sait que Pékin, renfermant le palais impérial et tout le prestige, toutes les richesses de sa famille, est à la merci des hommes en face desquels il se trouve, et qui lui ont dit et écrit : « Si vous ne dites pas « oui » à tout ce que nous vous demandons, nous pillons tout, nous brûlons tout, nous détruisons tout. » Le prince Kong dira trois fois « oui » au lieu d’une, quitte à se faire désavouer plus tard, comme Kwiliang et le prince d’Y ont été désavoués.

« Il est difficile d’admettre que la Chine considère comme sacrées les promesses que les ambassadeurs de France et d’Angleterre lui ont arrachées le lendemain du jour de sa plus humiliante défaite. Personne ne le croit sérieusement ici, et un avenir prochain probablement prouvera que l’œuvre du baron Gros et de lord Elgin n’a pas les élémens d’une longue existence. Le jour viendra où l’on fera la révision de l’histoire des relations de l’Occident avec l’extrême Orient. Peut-être alors sera-t-il démontré que notre rôle ici devait être celui du civilisateur, non du conquérant. Malheureusement nous avons choisi le dernier, et nous ferons tous nos efforts pour le soutenir jusqu’à la fin. Réussirons-nous ? C’est chose douteuse. La Chine, ce n’est pas les Indes. La Chine, c’est un immense corps compacte et homogène. Ce pays a sur nous la supériorité insurmontable du trop grand nombre, et tôt ou tard il redeviendra maître chez lui.

« La mission de lord Elgin et du baron Gros est accomplie ; mais, au lieu de nous rapprocher du gouvernement chinois, elle nous en a peut-être éloignés à tout jamais, et notre seul espoir de voir naître des relations vraiment amicales et fécondes entre l’Occident et la Chine repose sur la probabilité de la chute prochaine de la dynastie actuellement régnante dans le Céleste-Empire. »

Tels sont les renseignemens qui nous arrivent de Chine : nous les publions comme de simples indices d’une situation qui ne tardera pas sans doute à être mieux connue.


V. DE MARS.


DES RECENS PROGRES DE L'AGRICULTURE ANGLAISE.


Avec un pays aussi laborieux et aussi progressif que l’Angleterre, il est difficile de se tenir au courant d’une branche quelconque de l’activité nationale. J’ai essayé de faire connaître à la France, dans ses caractères les plus généraux, l’économie rurale du royaume-uni ; mais mes études remontent à plusieurs années déjà, et dans cet intervalle la production agricole n’a cessé de se développer chez nos voisins. Un Français établi en Angleterre, M. Robiou de La Tréhonnais, a senti qu’il pouvait être d’un grand intérêt pour nous de suivre pas à pas ce magnifique mouvement, et il a créé à cet effet un recueil spécial. Voilà déjà deux ans que cette publication a commencé ; elle en est à sa huitième livraison.

Quiconque s’occupe en France d’études agronomiques connaît M. de La Tréhonnais. Avant de fonder le recueil dont nous parlons, il s’était constitué