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Ainsi ont été amenés mon premier entretien avec M. de Kisselef et les explications que j’y ai données.

« Quant au retour des ambassadeurs, l’empereur vous ayant demandé le 3 mai au cercle de la cour : « Quand reverrons-nous M. de Barante ? » je pouvais encore moins me dispenser de répondre, dans mon second entretien, à une question si positive, et je n’y pouvais répondre sans exprimer avec une complète franchise la pensée du gouvernement du roi à cet égard et ses motifs.

« Je n’ai rappelé ces détails à M. de Kisselef, et je n’y reviens avec vous aujourd’hui que parce que M. de Nesselrode dit à deux ou trois reprises, dans sa dépêche, que j’ai pris l’initiative des explications, que je les ai données spontanément. J’aurais pu les donner spontanément, car elles n’avaient d’autre but que de mettre les relations des deux cours sur un pied de parfaite vérité et de dignité mutuelle ; mais il est de fait que j’ai été amené à les donner, et par l’obligeant reproche que me faisait M. de Nesselrode dans sa dépêche du 21 mars, et par la bienveillante question que l’empereur vous a adressée le 3 mai. Je n’aurais pu, sans manquer à mon devoir et à la convenance, passer sous silence de telles paroles.

« M. le comte de Nesselrode pense qu’après être entrés dans les explications que je rappelle, nous avons été trop pressés d’en atteindre le but et trop péremptoires dans notre langage. Si les ambassadeurs étaient revenus à leur poste, l’amélioration des relations entre les deux cours aurait pu arriver successivement et sans bruit. Nous avons voulu une certitude trop positive et trop soudaine.

« Ici encore j’ai interrompu ma lecture : « Je ne saurais, ai-je dit à M. de Kisselef, accepter ce reproche ; à mon avis, ce que j’ai fait aurait dû être fait, ce que j’ai dit aurait dû être dit il y a douze ans. Dans les questions où la dignité est intéressée, on ne saurait s’expliquer trop franchement, ni trop tôt ; elles ne doivent jamais être livrées à des chances douteuses, ni laissées à la merci de personne. Sans le rétablissement de bonnes et régulières relations entre les deux souverains et les deux cours, le retour des ambassadeurs eût manqué de vérité et de convenance. Le roi a mieux aimé s’en tenir aux chargés d’affaires. »

« L’empereur, poursuit M. le comte de Nesselrode dans sa dépêche, ne peut accepter des conditions ainsi péremptoirement indiquées. Puisque, dans l’état actuel des relations, le roi préfère des chargés d’affaires, l’empereur s’en remet à lui de ce qui lui convient à cet égard.

« Nous n’avons jamais songé, ai-je dit, à imposer des conditions. Quand on ne demande que ce qui vous est dû, ce ne sont pas des conditions qu’on impose, c’est son droit qu’on réclame. Nous avons dit simplement, franchement, et dans un esprit sincère, ce que