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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 janvier 1861.


Si le monde n’avait pas perdu son équilibre, si les choses suivaient leur cours régulier, si nous avions le sens commun, la curiosité serait en ce moment vivement éveillée sur nos affaires intérieures. On entendrait déjà les bourdonnemens précurseurs de la session qui va s’ouvrir, on devrait se tâter, s’informer, se préparer ; on verrait les interrogations, les pourparlers, les confidences, les desseins concertés, poindre, éclater, se presser, s’entrecroiser dans le monde politique : l’on irait et l’on viendrait, on causerait, on discuterait, on s’agiterait, on vivrait. Ce ne sont certes pas en effet les questions, les affaires, les intérêts, les préoccupations qui manquent, à l’heure présente, à l’alimentation de la vie politique. Dans quelques jours, le sénat va se réunir ; dans trois semaines, la session du corps législatif sera ouverte.

Le sénat devra débattre et revêtir de sa sanction les réformes constitutionnelles du programme du 24 novembre. Pour la première fois, nous serons mis au courant des délibérations politiques du sénat. Le sénat va discuter publiquement, comme une sorte d’assemblée constituante, les amendemens apportés à la constitution de 1852. Or les questions soulevées par ces réformes ne sont pas de mince importance : ce sont le droit d’adresse rendu aux chambres, l’entière publicité donnée aux débats parlementaires, le contact direct du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif par la présence d’une portion du cabinet dans la chambre des députés. Ce sont là des modifications considérables de la constitution de 1852 : elles n’ont été qu’indiquées dans le programme du 24 novembre ; la discussion dont elles seront l’objet dans le sénat en devra définir le caractère et préciser la portée. Tout le monde l’a senti : Il s’agit là d’un partage, tout nouveau dans l’ère qui date de 1852, du pouvoir entre le gouvernement proprement dit et les assemblées représentatives. Entre le pouvoir exécutif et les assemblées, la frontière est déplacée, et elle est déplacée au profit des assemblées. L’importance et la nouveauté de la chose appellent l’attention et la curiosité sur les prochaines délibérations du sénat. Il est permis en effet d’espérer que le sénat appor-