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ministériels d’abord, et ensuite le budget général de l’état. Sans ces documens, comment organiser régulièrement les finances d’un pays ? comment ne pas rester nécessairement dans les ténèbres qui enfantent le désordre et les dilapidations ? Peut-être se demandera-t-on aussi comment font les ministres turcs pour régler leurs dépenses : ils ne les règlent pas du tout, ce qui est fort simple et fort commode, tant que cela dure. Les ministres conviennent en conseil de leurs besoins, et tirent ensuite sur la caisse du trésor public à défaut de leurs revenus spéciaux. Quand ces ressources leur manquent, ils émettent sans limitation aucune, sous le nom de serghis, des obligations de payer, et ne rendent en définitive aucun compte de l’emploi qu’ils ont fait soit des deniers publics, soit de la faculté d’émettre des serghis.

En réclamant la formation de budgets spéciaux pour chaque ministère, la commission s’appuyait sur une des promesses formelles du hatt-humayoun. Il fallut près de six mois pour obtenir des ébauches de budgets ; encore fallut-il qu’elle envoyât elle-même dans les divers ministères des spécimens de budgets que les administrations turques remplirent tant bien que mal, et à la fin de mai 1860 ces documens furent présentés à la commission. Depuis cette époque, la commission a bien souvent demandé que ces budgets, qui sont plutôt des projets que des états de situation, fussent complétés par des exposés de motifs faits par les différens ministres, et que le ministre des finances présentât un rapport général qui résumât les charges ordinaires et extraordinaires, qui indiquât aussi les moyens de faire face au déficit présumé d’environ 162 millions de francs. Les membres européens tenaient beaucoup à ce qu’un pareil rapport fût fait et même publié. C’était une manière d’introduire la publicité et la lumière dans les finances de la Turquie ; c’était un acheminement à l’ordre. Tous leurs efforts sont demeurés stériles.

Ainsi point de budgets, sinon des conjectures faites pour remplir les spécimens tracés par la commission ; point d’exposés de motifs pour chaque ministère, point de rapport général par le ministre des finances : voilà la première phase des travaux de la commission. Passons à la seconde.

La commission avait fait un projet de règlement pour déterminer la manière de rendre compte des budgets : ce règlement fut délibéré le 14 mars 1860. Il devait y avoir une seconde délibération ; mais après bien des retards cette délibération a encore été ajournée le 8 août 1860, sur la proposition de Kiami-Pacha. Les membres européens ne s’opposèrent pas à cet ajournement, parce qu’ils savaient bien qu’ils n’avaient plus la majorité dans la commission.