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passé à Châtillon. « Mieux lui valait périr que de se soumettre, » et de nouveau il répéta « qu’il laisserait aux Bourbons à traiter à de pareilles conditions. » Déjà quelques jours auparavant, refusant d’écouter M. de Saint-Aignan, envoyé de Paris pour le supplier, au nom du conseil de régence et de ses plus dévoués partisans, de vouloir bien conclure la paix la plus prompte, il s’était écrié avec colère, : « La paix,… la paix !… elle viendra toujours trop tôt si elle est honteuse. »

C’étaient là de beaux mouvemens et de magnifiques paroles ; malheureusement ceux-là-se sont abusés qui les ont pris au sérieux, et, pour relever le prestige affaibli du grand vainqueur vaincu à son tour, ont voulu lui faire honneur d’être resté à l’heure des revers constamment inébranlable. Il n’en fut rien. Sur le champ de bataille, jamais l’énergie ne fit, il est vrai, défaut à l’homme de guerre, et si dans le moment même il résistait avec opiniâtreté aux conseils pacifiques de son entourage et de son état-major lassé de le suivre, c’est qu’il voulait en appeler encore à la fortune. Toujours infatigable, toujours confiant dans sa supériorité militaire, il avait mis son espoir dans le succès d’une manœuvre audacieuse sur les derrières mêmes de l’ennemi. Quand la vanité de cette dernière chance de salut lui fut démontrée, quand il s’aperçut que, malgré son essai de diversion, les armées alliées avaient continué de marcher droit sur Paris, quand le péril de sa situation lui apparut enfin manifeste, imminent, inévitable, la force de son âme faillit à l’épreuve. Sans transition comme sans embarras, il résolut aussitôt de tout céder. Deux dépêches datées de Doulevent le 25 mars, et dictées coup sur coup au duc de Vicence, annoncèrent à M. de Metternich que l’empereur acceptait en bloc, purement et simplement, ces mêmes conditions déclarées quarante-huit heures auparavant inadmissibles et honteuses. Arrivées trop tard et comme perdues dans le flot des désastres qui ont précipité la ruine de l’empire, ces lettres n’ont point influé sur le cours des événemens. À peine l’histoire en a-t-elle parlé ; l’authenticité en est toutefois incontestable.

S’il convient de ne pas dissimuler les fautes de l’empereur pendant la durée du congrès de Châtillon, il n’importe pas moins de réprouver la conduite des cours alliées, conduite d’autant plus fâcheuse qu’elles avaient pour elles le succès, et qu’elles prétendaient agir au nom de la justice et du droit. Ajourner brusquement les conférences au moment où l’on supposait M. de Caulaincourt autorisé à consentir les propositions faites à son maître, c’était un acte d’insigne mauvaise foi, et l’on ne saurait trop le flétrir. Cependant il ne faudrait pas imputer à tous les cabinets indifféremment une part de responsabilité égale dans cette manœuvre déloyale ni dans les