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affaiblit les ressorts et fausse les combinaisons de sa politique, il s’en trouve amoindri sur tous les points, et particulièrement dans ses relations avec la Prusse.

« Ce sera, sans aucun doute, un motif de plus aux yeux de votre excellence pour ne rien faire qu’à de très bonnes conditions. Un rapprochement auquel le gouvernement du roi semblerait se prêter avec trop de facilité produirait un effet fâcheux en Allemagne. On y sait à merveille combien la Russie désire ce rapprochement ; on trouve donc tout naturel qu’elle en fasse les frais. »

Le 15 juin, après avoir reçu ma lettre du 20 mai, le baron d’André m’écrivit :

« Monsieur,

« Dès que le courrier Alliot m’eut remis vos dépêches, je demandai à voir M. de Nesselrode. Je lui parlai du nouvel entretien que vous aviez eu avec M. de Kisselef, et après avoir échangé quelques paroles, je laissai au vice-chancelier votre lettre particulière du 20 mai, afin qu’il pût la lire à loisir et la montrer à l’empereur. En la prenant, M. de Nesselrode me dit qu’il craignait que nous n’allassions un peu vite. Je répondis au vice-chancelier qu’il valait mieux s’expliquer et prévoir les conséquences de toute démarche avant de l’entreprendre, qu’il serait fâcheux, par exemple, de voir les ambassadeurs retourner à leur poste sans savoir préalablement sur quoi compter.

« — Mais remarquez, me dit M. de Nesselrode, qu’il n’a jamais été question du retour des ambassadeurs dans mes lettres, et que c’est M. Guizot qui, le premier, en a parlé à M. de Kisselef.

« — Je sais très bien, monsieur le comte, que chacun de nous a la prétention de ne point faire des avances ; mais si M. Guizot a parlé des ambassadeurs à M. de Kisselef, c’est parce qu’il a voulu répondre à ce que sa majesté m’a fait l’honneur de me dire au cercle de la cour lorsqu’elle m’a demandé quand reviendrait M. de Barante.

« En quittant M. de Nesselrode, il m’a promis de me faire savoir quand il pourrait me rendre ma lettre. Douze jours se sont écoulés depuis. Pendant ce temps, j’ai cherché à connaître quelle avait été d’abord l’impression produite sur l’empereur par les dépêches venues de Paris. Ce que j’en ai appris m’a fait voir aussitôt qu’elles avaient modifié les dispositions de sa majesté. Vous voyez que les choses sont complètement changées.

« Maintenant, m’a-t-on dit, c’est une question qu’il faut laisser en repos, sauf à la reprendre plus tard. Les affaires générales doivent amener la solution des affaires personnelles. Si les ambassadeurs avaient repris leur poste, il est probable que l’empereur, abandonnant