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nouvelle. Il expose ensuite, avec détail et habilement, deux idées : 1° par quels motifs le cabinet russe ne nous a pas fait de plus fréquentes et plus intimes communications sur les affaires européennes ; 2° quels changemens sont survenus, depuis 1840, dans les relations des grandes puissances, notamment de la France et de l’Angleterre, et pourquoi nous faisons bien de suivre aujourd’hui la bonne politique, c’est-à-dire de ne chercher à brouiller la Russie avec personne, attendu que nous ne retrouverions pas, avec l’Angleterre, l’alliance intime que des circonstances particulières, entre autres la présence d’un cabinet whig, avaient amenée de 1830 à 1840, mais qui ne saurait se renouer aujourd’hui.

« M. de Nesselrode met beaucoup de soin à développer ceci : évidemment l’idée du rétablissement de l’intimité entre la France et l’Angleterre le préoccupe, et il désirerait nous en démontrer et s’en démontrer à lui-même l’impossibilité. Je n’ai fait aucune observation à ce sujet.

« Du reste, M. de Kisselef, qui m’avait à peine interrompu deux ou trois fois par quelques paroles, m’a promis de transmettre, avec une scrupuleuse exactitude, à M. de Nesselrode ce que je venais de lui dire. Je ne saurais trop me louer du langage du vice-chancelier de l’empereur à mon égard : j’y ai trouvé ce qui m’honore, ce qui me touche le plus, une estime sérieuse, gravement et simplement exprimée. Je désire que vous témoigniez à M. de Nesselrode combien j’y suis sensible. »

Pendant que cette correspondance entre Paris et Saint-Pétersbourg suivait son cours, le baron Edmond de Bussierre, alors ministre du roi à Dresde, m’écrivit le 14 juin 1843 :

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« M. le comte de Pahlen est à Dresde depuis trois jours. Il a mis un empressement obligeant à venir me chercher dès son arrivée. Il a dîné hier chez moi avec M. de Zeschau et tous mes collègues. Il part demain pour Carlsbad. Nous n’avons pas échangé un seul mot sur ses projets ultérieurs. Je sais toutefois que l’espoir de rencontrer M. de Barante en Bohême le préoccupe assez vivement ; plusieurs personnes, évidemment chargées par lui de me pressentir sur la probabilité de cette rencontre, m’ont fort inutilement assailli de questions ; on ne les a pas épargnées davantage à M. Ernest de Barante. Il est certain, d’après tout ce qui nous revient de Pétersbourg, qu’on y sent le besoin d’un retour à de meilleurs rapports, et que la situation actuelle pèse à l’empereur lui-même ; il n’en est pas encore, au point de venir sincèrement à nous, mais il ne veut pas qu’on croie en Europe que la porte lui soit définitivement fermée ; cette impossibilité trop éclatante d’un accord avec la France