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impossible en nous ayant contre lui. Maintenant qui peut calculer les suites de cette campagne[1] ? Nous voulions sincèrement la paix, nous la voulons encore, et nous la ferons ; il ne s’agit que d’aborder la question franchement et sans détour. Les moyens indirects que l’empereur Napoléon emploierait pour arriver à la paix ne peuvent plus réussir ; que l’on s’explique franchement, et elle se fera. Le duc de Vicence sait qu’il y a, entre nous, sous le sceau du secret, un écrit qui pourrait faire conclure la paix en soixante heures. L’empereur Napoléon l’a accepté à deux articles près. La décision relative à la confédération du Rhin était remise à la paix générale ; mais l’empereur croyait toujours que l’Autriche ne ferait pas la guerre. Il supposait, sur les dires de Narbonne, que nous n’avions que 150,000 hommes lorsque nous en avions 300,000. Cependant une ligne télégraphique établie sur la frontière annonçait l’instant où les Russes allaient entrer. Il a fallu déclarer la guerre. Comment pouvait-on en douter ? Dans une conversation de neuf heures avec l’empereur, je l’avais annoncé cinq fois ; mais rien ne pouvait le lui faire croire. »


Quelques jours après cet entretien, M. de Saint-Aignan, qui avait dû suivre le quartier-général des armées étrangères à Tœplitz, puis à Francfort, était, le 8 novembre, mandé de nouveau chez M. de Metternich. Le ministre autrichien lui parla pour la seconde fois, en termes clairs et précis, de l’envie qu’avaient les alliés de conclure une paix solide.


« … Personne n’en voulait à la dynastie de l’empereur Napoléon. On était donc prêt à s’entendre. Les conditions de la paix à établir, devaient naturellement donner des limites à la puissance de l’Angleterre et de la France… L’Angleterre avait d’ailleurs des prétentions beaucoup moins élevées qu’on ne prétendait… Elle était prête à rendre à la Hollande indépendante ce qu’elle ne lui rendrait pas comme province française… Mais, continuait M. de Metternich,… il craignait que le caractère de l’empereur Napoléon ne fût un obstacle à la paix, qu’alors ce serait une guerre désastreuse, que l’Allemagne aurait par elle-même et d’un mouvement spontané 300,000 hommes de plus sur nos frontières, qu’il n’y aurait pour cela aucuns mouvemens révolutionnaires autres que ceux que l’Autriche voudrait nourrir et pourrait arrêter quand il lui conviendrait avec d’autant plus de facilité que les Allemands étaient un peuple doux, honnête et éloigné de toute violence, que ce peuple n’était en révolution que contre nous, parce que l’empereur Napoléon l’avait froissé, n’avait rien fait pour lui, et avait exaspéré les souverains[2]. »


Ce second entretien n’était lui-même que le prélude d’une conférence

  1. Rapport de M. de Saint-Aignan du 10 novembre 1813. Les passages en italiques sont ceux que l’empereur a fait retrancher du rapport inséré dans le Moniteur supprimé du 20 janvier 1814.
  2. Rapport de M. de Saint-Aignan du 10 novembre 1813 ; passage retranché dans le Moniteur supprimé du 20 janvier.