à Napoléon une puissance à la façon de Charlemagne, sans raison d’être au dix-neuvième siècle[1]. Non-seulement Napoléon avait, malgré les patriotiques instances du duc de Vicence, refusé son consentement à ces propositions, mais, sur les causes mêmes de la médiation mise en avant par l’Autriche, il n’avait pas craint d’abuser, avec le public, ses propres négociateurs, ses ministres et jusqu’aux grands dignitaires de son empire[2]. Par une progression fatale, plus les revers s’accumulaient, plus les ennemis, retenus encore par la crainte de s’aventurer sur le sol français, mettaient de véritable modération dans leurs ouvertures, plus l’empereur, pour égarer les esprits en France et fomenter le ressentiment national, se croyait obligé d’épaissir le mystère et de multiplier les mensonges. Quand nous lisons dans les récits des contemporains les propositions qu’avant de franchir le Rhin les puissances coalisées firent de Francfort, vers le milieu de novembre 1813, parvenir à l’empereur par le canal de M. de Saint-Aignan, nous avons peine à nous imaginer que la France pût alors être tenue tout entière dans l’ignorance absolue d’une négociation où s’allait jouer son sort. Rien de si vrai cependant. à la veille de quitter les Tuileries pour commencer l’admirable campagne qui devait, quelque temps encore, retenir les ennemis loin de la capitale, peu de jours après le départ du duc de Vicence pour Châtillon, à l’heure même où, par ses proclamations énergiques, par ses adieux solennels à l’impératrice et à son fils, par ses harangues pathétiques à la garde nationale, il cherchait à émouvoir en sa faveur le sentiment des populations, Napoléon songea un instant à porter à la connaissance du public l’arrangement proposé par les cours étrangères. Le jeudi 19 janvier, le Moniteur reçut l’ordre d’imprimer le rapport de M. de Saint-Aignan et. le texte même des propositions qu’au quartier-général des armées alliées il avait, sous la dictée du prince de Metternich, transmises à l’empereur ; mais cet accès de franchise n’avait guère duré. À peine la distribution de la feuille officielle avait-elle commencé à Paris, qu’un contre-ordre était survenu le matin même du 20 janvier, et la police, après avoir déployé une grande activité pour mettre la main sur les premiers numéros déjà distribués, faisait imprimer un second Moniteur d’où le rapport de M. de Saint-Aignan avait entièrement disparu. Plusieurs personnes ont gardé et possèdent
- ↑ Histoire du Consulat et de l’Empire, t. XVI, p. 160-161.
- ↑ «… Bien que personne, même dans le gouvernement, ne connût le secret des négociations de Prague, bien que Napoléon eût laissé croire à ses ministres et à l’archi-chancelier Cambacérès lui-même que les puissances avaient cherché à l’humilier jusqu’à vouloir lui ôter Venise, ce qui n’était pas vrai, le public était convaincu que si les négociations avaient échoué, c’était sa faute… » M. Thiers, t. XVII, p. 37.