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était exactement le même que chez le chien. Par des croisemens répétés, M. Geoffroy, comme M. Flourens, a montré que l’union du chacal et du chien est parfaitement féconde, et que les métis se propagent pendant un certain nombre de générations ; il a entendu et fait, entendre à ses auditeurs l’aboiement des chacals de la ménagerie, et constaté qu’il reproduisait exactement celui des chiens placés dans le voisinage, tandis que le loup, malgré des efforts évidens pour en faire autant, ne peut y parvenir. Il a ainsi complété les renseignemens déjà dus à Pallas, et d’où il résulte que le chacal a toutes les autres voix du chien. Enfin le même naturaliste a pu constater par lui-même un fait rapporté par plusieurs voyageurs : il a vu à Grenoble un chien, comme tout le monde l’appelait, qui n’était qu’un chacal d’Alger. Ce chacal était « doux et affectueux avec son maître, familier avec tous, jouissant de la plus complète liberté, et en usant pour aller jouer avec les autres chiens dans les rues et sur les places de la ville. » Cette observation, en répondant à ceux qui veulent voir dans le chacal un animal trop foncièrement sauvage, pour être jamais livré à lui-même, bien qu’apprivoisé, complète la démonstration. Elle atteste la ressemblance parfaite de nos chiens avec le chacal, puisque hommes et bêtes s’y laissaient prendre ; elle confirme ce que Pallas avait dit de cet animal, qu’il dépeint comme naturellement ami de l’homme ; elle nous fait comprendre combien une domestication de quarante ou cinquante siècles a dû avoir de prise sur une espèce qui, du premier coup, est capable de donner de semblables résultats.

Ces quelques exemples suffiront pour montrer que l’étude approfondie de nos races domestiques conduit toujours, et de plus en plus, à rattacher à une même espèce toutes celles qui portent le même nom, quelque différentes qu’elles soient. La théorie de la formation de ces races par le concours de plusieurs espèces devient de moins en moins soutenable, même pour celles dont la souche première nous est encore inconnue. En effet, elle échouera toujours contre cette simple observation que nous avons faite pour un cas particulier, mais qui s’applique d’une manière générale : à savoir que nos races les plus remarquables n’ont de représentans ni dans les espèces vivantes ni dans les espèces fossiles. Nous avons produit des bœufs, des moutons, des chèvres sans cornes. Or toutes les espèces sauvages, non-seulement des genres que je viens de nommer, mais encore de tous les genres voisins, ont eu et ont encore des cornes, Nous avons produit des béliers à trois, quatre et même à cinq cornes. Or tous les moutons sauvages, vivans et fossiles, n’ont que deux cornes. Dans ces deux cas, le concours de toutes les espèces sur lesquelles la science a recueilli des renseignemens quelconques ne saurait expliquer l’apparition de caractères dont il faut