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que celles dont il a été question jusqu’ici. On sait d’ailleurs combien ces races sont nombreuses. Il n’est peut-être pas de contrées qui n’en produise plusieurs, et, sans sortir de France, nous en compterions à peu près autant que nous avions autrefois de provinces. Cependant l’homme a demandé partout et toujours à peu près la même chose au cheval ; il n’a guère vu en lui qu’un animal porteur ou traîneur. En conséquence, il a cherché à développer la force musculaire, la durée, la légèreté et la sûreté des mouvemens, il s’est aussi attaché à relever et à ennoblir les formes ; mais c’est là tout, et si l’espèce a présenté des modifications sans rapports apparens avec le but que se proposait son maître, il faut bien voir dans les changemens de cette nature autant de résultats de cette action involontaire dont nous parlions plus haut, et que l’homme exerce sans le savoir sur les animaux qui l’entourent.

Lorsqu’on veut se faire une idée complète de tout ce que l’homme peut exercer d’empire sur un être vivant, et comprendre jusqu’à quel point il peut transformer, pétrir et repétrir un organisme, c’est le chien qu’il faut étudier. On peut dire de cette espèce que l’homme lui a tout demandé et qu’elle lui a tout donné. Il a fait du chien une bête de somme, une bête de trait, de chasse, de garde, de guerre ; il s’est adressé à l’intelligence, à l’instinct, comme au corps ; l’être entier s’est plié à toutes les exigences ; la mode, le caprice, s’en sont mêlés, et ils ont été satisfaits aussi bien que les besoins réels, et cela de toute antiquité. La Bible et les Védas, le Chou-King et le Zend-Avesta parlent du chien ; les plus anciens monumens de l’Égypte nous le montrent ayant déjà donné des races nombreuses, une entre autres à oreilles pendantes, signe indubitable d’une domestication déjà fort ancienne. Mais aussi quelle variété infinie, quels contrastes dans ces races ! Placez à côté du grand chien des Philippines, dont la taille dépasse celle de toutes nos races européennes, le bichon que nos grand’mères cachaient dans leur manchon ; à côté du lévrier aux jambes si longues, si grêles, qui force le lièvre à la course, le basset à jambes torses, si bien fait pour se glisser dans un terrier ; à côté du chien turc, à la peau entièrement nue, le barbet qui semble porter une toison ; comparez le chien des Pyrénées au bouledogue, le chien de Poméranie au griffon, le terre-neuve au chien courant, et vous n’aurez encore que des notions imparfaites sur ce monde des chiens qui embrasse les formes les plus différentes, les instincts les plus divers. Et ce que nous en voyons n’est peut-être que la moindre partie de ce qui a existé. Les races animales s’éteignent avec le besoin ou le caprice qui leur a donné naissance, et à ce compte combien de formes de chien ont disparu sans doute depuis l’époque des Védas ! Pas n’est besoin de sortir de France, ni de remonter bien haut pour en citer