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pas faites pour tenter des esprits qui recherchent l’éclat ; mais elles semblent être le lot de nos sociétés d’acclimatation. Ces sociétés ont le caractère de stabilité qui est la condition de la persévérance ; elles étendent au loin leurs ramifications ; elles attirent, avec un zèle que ne couronne pas toujours le succès, des plantes, des mammifères, des oiseaux, même des insectes, sur notre territoire ; qu’elles veuillent bien regarder aux poissons, et bientôt nos eaux d’Europe, aussi bien que celles de nos colonies, s’enrichiront d’espèces supérieures à celles qu’elles possèdent.


Nous venons de voir le poisson nourri chez les Chinois comme le sont les troupeaux dans nos fermes, et amené dans les colonies hollandaises à la condition de l’oiseau en cage. Ces exemples n’ont rien qui doive nous étonner ; qu’est-ce qu’un vivier, si ce n’est une étable à poissons ? Nos ateliers d’Huningue n’attendent pour féconder au loin nos eaux intérieures qu’un régime administratif de la pêche un peu moins exclusif des améliorations. Aujourd’hui même le pêcheur breton Guilhou élève, je devrais dire apprivoise, des turbots dans son établissement de Concarneau. Chacun est maître d’en faire autant chez soi, et ces poissons rouges que tant d’honnêtes gens entretiennent pour le seul plaisir des yeux dans des bocaux de cristal ne témoignent-ils pas que des hôtes plus utiles pourraient les remplacer ? Nous sommes pressés de tous côtés par les indications de ce que deviendrait facilement en France l’éducation du poisson ; mais nous ne passons qu’avec lenteur et timidité de la conception à la pratique : il nous faut l’exemple de l’étranger pour nous donner confiance dans les procédés éclos au milieu de nous, heureux quand un échec causé par l’ignorance ou l’inattention seule ne vient pas nous décourager. Il en sera de la stabulation du poisson comme de tant d’autres choses qui, d’abord dédaignées partout, sont partout devenues familières ; on commencera par lui reprocher de ne pas réussir sans art et sans précautions, de ne pas convenir par exemple aux espèces voyageuses aussi bien qu’aux espèces sédentaires ; puis les erreurs et les faux jugemens s’élimineront devant l’expérience raisonnée, et le vrai finira par avoir raison.

Un système de culture, si ingénieux et si recommandé qu’il soit, ne se perpétue et ne se propage qu’autant que les résultats économiques en sont avantageux, et la production artificielle du poisson est soumise à la loi commune. Des exemples concluons, des calculs précis tendent à la placer au rang des opérations agricoles les plus profitables. Il ne reste qu’à donner aux recherches destinées à l’agrandir les allures méthodiques qui conduisent avec certitude à la vérité, ou pour mieux dire au succès.

Les étangs sont un moyen de tirer des mauvaises terres un revenu