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sont pas, de les établir par les procédés aujourd’hui bien connus de l’éclosion artificielle ; c’est à eux de rechercher et de mettre en pratique les moyens spéciaux de multiplier le poisson. En possession de fait de la pêche, ils sont assurés que leurs soins ne seront pas perdus.

Ces études pourraient être entreprises dans des conditions meilleures sur les cours d’eau navigables et flottables, où la pêche s’exerce exclusivement au profit de l’état. Là le champ d’observations est bien plus vaste, l’intérêt plus élevé, car la richesse ou la stérilité, de ces eaux se propage dans d’innombrables ramifications. Les officiers forestiers et les ingénieurs des ponts et chaussées, qui se partagent l’administration de cette branche des revenus de l’état donnent tous les jours, dans d’autres parties de leurs services, des preuves d’une aptitude très supérieure à ce qu’exigerait la fécondation de toutes nos eaux intérieures. Malheureusement, à un nombre imperceptible d’exceptions près, les études sur la production du poisson sont délaissées dans les corps savans, et il semble que le spectacle des plus curieuses transformations de la nature perde de son attrait dès qu’il fait partie d’une tâche officielle. De pareils erremens accusent-ils un vice d’organisation ? En attendant que ce doute soit éclairci, les observations sur l’ichthyologie des grands cours d’eau ne peuvent guère être recommandées qu’au zèle et au travail individuels.

Si les riverains des simples ruisseaux ont un intérêt direct à multiplier le poisson, à plus forte raison en est-il ainsi des propriétaires d’étangs. L’exploitation des étangs a fait naître des volumes d’observations judicieuses sur les rapports numériques de l’empoissonnement avec l’étendue des terrains immergés, sur l’équilibre à maintenir dans le peuplement entre les espèces, carnassières ou autres, sur le développement du poisson, et ce mode de culture a quelquefois atteint, dans le cercle étroit où il s’est enfermé, un degré de perfection difficile à dépasser. On ne saurait tenir trop de compte de ces lumières acquises ; mais il est temps d’agrandir l’horizon sur lequel elles se répandent. Nous ne savons pas si des espèces supérieures à celles que nous avons l’habitude d’élever ne se plairaient pas sur le sol, en général argileux, où s’établissent les étangs ; nous ignorons de quelles plantes aquatiques ou de quels insectes il faudrait encourager la multiplication pour favoriser le développement du poisson ; à peine soupçonne-t-on les effets que produiraient sur les plantes aquatiques des engrais jetés dans les eaux qui les baignent[1]. Enfin nous n’avons aucunes notions précises sur les nourritures

  1. Des essais de cette manière d’employer le fumier ont été faits il y a une trentaine d’années par M. le marquis de Poncins dans des étangs de la plaine du Forez, et je me souviens de l’avoir entendu lui-même en rendre le compte le plus satisfaisant. Il mourut peu de temps après, et j’ignore si les expériences qu’il avait entreprises ont été continuées après lui.