Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des succursales dans toutes les localités où elles seront nécessaires. La translation opérée, le succès du premier ensemencement garanti, on cessera de recourir au frai artificiel : le frai naturel devra être préféré ; mais le frai est peu de chose, si l’on ne pourvoit à la nourriture du poisson ; puis, la nourriture assurée, il reste à créer une police qui protège le poisson contre les nombreuses causes de destruction : dont l’environnent la malice et la maladresse des hommes.

Tous les poissons recherchent avec la même avidité les insectes, qu’ils vivent dans les eaux, dans l’air ou dans les couches supérieures du sol, et, ce goût commun satisfait, les uns se nourrissent principalement de végétaux, les autres de la chair de leurs congénères. Il suit de là que les matières végétales impropres à l’alimentation de l’homme qu’ils s’assimilent ont, pour arriver jusqu’à nous, un degré de plus à franchir, quand elles doivent passer par les espèces piscivores. Cette transformation de second ordre est la cause d’une très grande déperdition. On a calculé, d’après l’expérience acquise dans les étangs les mieux aménagés, qu’il faut, 12 kilogrammes de poisson pour en faire un de perche, et 30 pour en faire un de brochet. Si la chair ainsi consommée valait celle même des piscivores, ce serait accroître dans un rapport très élevé la matière alimentaire disponible pour l’homme que de faire disparaître les espèces carnassières ; mais la plupart des herbivores ne sont en France bons qu’à nourrir des piscivores d’une chair beaucoup plus savoureuse : Il faut donc procéder aux éliminations avec une extrême réserve. En second lieu, il existe dans différens bassins de rivières ou de lagunes des espèces de petits poissons qui se nourrissent d’animalcules insaisissables pour d’autres qu’elles ; elles en extraient tout le produit utile et le livrent, dans leur propre individualité, à d’autres poissons qui l’approprieront à notre nature. Il est des eaux dont l’exploitation ne saurait être avantageuse qu’avec le secours de semblables combinaisons, et la multiplication des espèces les plus dédaignées est quelquefois la base du développement des meilleures.

Considérée dans ses rapports les plus étendus, la pisciculture a pour but de convertir en substances appropriées aux besoins de l’homme des matières dont les unes seraient complètement perdues pour lui, et dont les autres acquièrent dans cette transformation un sensible accroissement de valeur. On voit quel vaste champ d’études et d’expériences elle ouvre à l’histoire naturelle et à l’économie publique et privée. Nous avons à rechercher quels sont les besoins et les conditions de développement des bonnes espèces de poissons, quels végétaux, quels Insectes, quels poissons subalternes, sont les meilleurs à propager pour les alimenter, quelles