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du 1er au 15 août, après les fêtes russes de juillet. J’ai demandé pour lui au roi et il reçoit ces jours-ci la croix de commandeur. Elle était bien due à la fermeté tranquille et mesurée avec laquelle il a tenu, depuis plus de six mois, une situation délicate. Il gardera son poste de premier secrétaire en Russie tant que je n’aurai pas trouvé un poste de ministre vacant pour lequel je puisse le proposer au roi, et il sera remplacé, pendant son congé, par un autre chargé d’affaires, probablement par le second secrétaire de notre ambassade à Pétersbourg, M. d’André, naturellement appelé à ce poste quand l’ambassadeur et le premier secrétaire sont absens. Sauf donc un changement de personnes, la situation restera la même. Ce n’est pas sans y avoir bien pensé que, l’automne dernier, nous nous sommes décidés à la prendre. Pendant dix ans, à chaque boutade, à chaque mauvais procédé de l’empereur, on a dit que c’était de sa part un mouvement purement personnel, que la politique de son gouvernement ne s’en ressentait pas, que les relations des deux cabinets étaient suivies, et les affaires des deux pays traitées comme si rien n’était. Nous nous sommes montrés pendant dix ans bien patiens et faciles ; mais en 1840 la passion de l’empereur a évidemment pénétré dans sa politique. L’ardeur avec laquelle il s’est appliqué à brouiller la France avec l’Angleterre, à la séparer de toute l’Europe, nous a fait voir ses sentimens et ses procédés personnels sous un jour plus sérieux. Nous avons dû dès lors en tenir grand compte. À ne pas ressentir ce que pouvaient avoir de tels résultats, il y eût eu peu de dignité et quelque duperie. Une occasion s’est présentée : je l’ai saisie. Nous n’avons point agi par humeur, ni pour commencer un ridicule échange de petites taquineries. Nous avons voulu prendre une position qui depuis longtemps eût été fort naturelle, et que les événemens récens rendaient parfaitement convenable. J’ai été charmé pour mon compte de me trouver appelé à y placer mon roi et mon pays. Nous la garderons tranquillement. M. de Barante attendra à Paris que M. de Pahlen revienne. Ce n’est pas à nous de prendre l’initiative de ce retour. Dans l’état actuel des choses, des chargés d’affaires suffisent très bien aux nécessités de la politique comme aux convenances des relations de cour, et le jour où à Pétersbourg on voudra qu’il en soit autrement, nous sortirons de cette situation sans plus d’embarras que, nous n’en avons aujourd’hui à y rester. »


Au moment où M. Casimir Périer recevait la nouvelle de son prochain congé et faisait ses préparatifs pour en profiter, le fatal accident du 13 juillet 1842 enleva à la France M. le duc d’Orléans. J’en informai sur-le-champ M. Casimir Périer, comme tous les représentans du roi auprès des gouvernemens étrangers.