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comme à vous-même. Ne vous préoccupez point de la froideur qu’on vous témoigne ; n’en ressentez aucune impatience, aucune humeur ; tenez-vous en mesure d’accueillir, sans les devancer, les marques de retour qui vous seraient adressées. Vous avez pour vous le bon droit, les convenances, les habitudes du monde poli dans les pays civilisés. Votre gouvernement vous approuve. Le gouvernement auprès duquel vous résidez fait tout ce qu’il vous doit. Le nécessaire ne vous manque point. Attendez tranquillement que le superflu vous revienne, et continuez à prouver, par la dignité et la bonne grâce de votre conduite, que vous pouvez vous en passer. »


La situation demeurait immobile. La société de Saint-Pétersbourg ne changeait point d’attitude. L’empereur et l’impératrice, quand M. Casimir Périer avait l’occasion de les voir, ne lui faisaient plus aucune allusion au retour de M. de Barante, ne lui prononçaient plus même son nom. Il m’écrivit le 8 juin 1842 :

« Monsieur,

« Je viens, fort à regret, aujourd’hui vous supplier de ne pas retarder la décision par laquelle vous avez bien voulu me faire donner l’espoir que vous mettriez un terme à une position qui ne peut plus se prolonger. Il m’en coûte beaucoup, daignez le croire, de faire cette démarche ; mais vous me permettrez de vous rappeler qu’après six mois de la situation la plus pénible, c’est la première fois que j’ai une pensée qui ne soit pas toute de dévouement et d’abnégation. Je sais quels devoirs me sont imposés par mes fonctions ; à ceux-là je ne crois pas avoir failli pendant douze ans de constans services. Je ne puis ni ne veux faillir à d’autres devoirs qui ne sont pas moins sacrés. Mme Casimir Périer est fort souffrante, et sa santé m’inquiète. Exilée à huit cents lieues de son pays le lendemain même de son mariage, trop délicate pour un climat sévère, elle a besoin maintenant, elle a un pressant besoin de respirer un air plus doux, et les médecins ordonnent impérieusement les bains de mer pour cet été. Veuillez donc, monsieur, supplier le roi de me permettre de quitter la Russie vers la fin de juillet ou dans les premiers jours d’août.

« Le roi connaît mon dévouement à son service ; vous, monsieur, vous connaissez mon attachement à votre personne : c’est donc sans crainte d’être mal compris ou mal jugé que je vous expose la nécessité pénible à laquelle me soumet aujourd’hui le soin des intérêts les plus légitimes et les plus chers. On m’a mandé que votre intention était de ne pas reculer mon retour au-delà de l’époque que je viens d’indiquer, et j’ai la conviction intime qu’en vous rendant à ma prière vous prendrez le parti le mieux d’accord avec ce