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ces aventures, Alfieri en parle dans ses mémoires, la bibliothèque et le musée de Montpellier en conservent de curieux témoignages ; plusieurs écrivains anglais ou français, italiens ou allemands, ont esquissé le portrait de la comtesse et raconté quelques pages de sa vie : personne encore n’en avait tracé un tableau complet comme vient de le faire un éminent historien diplomate, le dernier représentant de la cour de Berlin auprès de l’ancien grand-duc de Toscane, M. le baron Alfred de Reumont.

M. de Reumont est un des hommes qui connaissent le mieux l’histoire de l’Italie moderne. Attaché pendant bien des années à la cour de Florence par ses fonctions diplomatiques, il était presque devenu Toscan et Italien. On comprend qu’un ministre, un chargé d’affaires de Prusse ne dût pas avoir des occupations très urgentes à la cour d’un grand-duc de Toscane ; la principale mission de M. de Reumont, à ce qu’il semble, était de représenter auprès de la société italienne la studieuse curiosité de l’esprit allemand. Nul ne pouvait mieux remplir cette tâche : disciple de M. Léopold Ranke, il avait, comme lui, le goût des recherches patientes et des découvertes historiques. On sait avec quel bonheur M. Ranke a fouillé les archives vénitiennes, avec quel art il a renouvelé maintes parties de l’histoire moderne, grâce aux relations des envoyés du conseil des dix ; c’est surtout la connaissance approfondie des documens diplomatiques qui a fait à M. Léopold Ranke une place originale parmi les historiens de nos jours. Les leçons et l’exemple d’un tel maître avaient très bien préparé le savant diplomate berlinois aux études que lui indiquait si naturellement son poste en Italie. Interroger les bibliothèques, compulser les archives, pénétrer dans les dépôts les plus secrets, ce fut la grande affaire et la joie de M. de Reumont. L’Italie entière a été l’objet de ses recherches : on a de lui des pages fort intéressantes sur plusieurs épisodes de l’histoire du saint-siège au XVIe et au XIXe siècle, il a consacré deux volumes à la peinture de Naples sous la domination espagnole ; mais c’est surtout Florence qui était le théâtre et l’objet de ses investigations. Au moment où de jeunes érudits florentins, les fondateurs de lArchivio storico italiano, travaillaient avec tant de zèle à la renaissance de la critique historique dans leur pays, M. de Reumont était heureux de s’associer à leur œuvre et d’en propager le succès. On a remarqué souvent dans la Gazette d’Augsbourg des analyses très bien faites des publications de lArchivio ; c’était le ministre de Prusse à Florence qui signalait à l’Allemagne ce noble foyer d’études trop peu connu de la France et du reste de l’Europe[1].

  1. Les lecteurs de la Revue n’ont pas oublié cependant les excellentes pages de M. Ampère sur l’Archivio storico italiano. Voyez, dans la livraison du 1er septembre 1856, l’étude intitulée l’Histoire et les Historiens de l’Italie.