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blèmes européens qui vont s’agiter, la portée des engagemens de notre politique extérieure, et ensuite de prendre en connaissance de cause des résolutions décisives. N’est-il pas vrai que l’opinion chez nous est insuffisamment éclairée sur les engagemens de notre politique extérieure, que, sur des indices probablement incomplets, elle s’en donne à elle-même des interprétations contradictoires, que son ignorance même est la principale cause des inquiétudes qui l’assiègent ? N’est-il pas vrai (et la leçon de la guerre d’Italie n’est-elle pas là pour nous en avertir ?) qu’il y aurait non-seulement une violente injustice, mais une témérité, cruelle, à ne pas laisser au pays la participation la plus large dans le choix du système auquel la France devra lier son action future ? Que l’on peigne donc sous les couleurs les plus sombres la situation de certains pays de l’Europe, que l’on étende le cercle des responsabilités de la France dans les événemens prévus : — l’on n’aura démontré qu’avec plus de force qu’il ne fut jamais plus nécessaire que le pays prît une entière connaissance de ses affaires, et influât par tous ses organes naturels sur la conduite du pouvoir. Nous sommes bien dans un de ces momens où il faut que le gouvernement du pays par le pays soit une vérité, où le self-government est l’intérêt vital autant que le droit imprescriptible d’un peuple. Nous pouvons être mis en demeure de faire de grands actes de volonté ; il faut que nous sachions les motifs de ces actes et les conséquences auxquelles ils nous enchaîneront. Savoir et vouloir ! un peuple ne peut résoudre ce problème que par l’ordonnance et la mise en œuvre de ses institutions.

Nous ne sommes donc point de ceux qui croiraient faire injure au gouvernement en supposant que, dans sa pensée, le programme du 24 novembre, malgré ses lacunes, répondait au moins en partie à cette nécessité de situation que l’état de l’Europe suscite à la France. Ce programme est à nos yeux un signal : il est d’une extrême importance que ce signal soit compris, Le programme ne s’occupe guère que du parlement ; nous ne méconnaissons point ce qu’il fait pour les chambres en leur donnant la publicité des débats, le droit d’adresse et la participation de quelques ministres aux délibérations du corps législatif. À ne parler que de la question extérieure, de là nous viendront infailliblement de précieuses lumières. Il est impossible que, dans la discussion de l’adresse au corps législatif et au sénat, le gouvernement ne soit pas sérieusement et profondément interrogé sur la question extérieure. Nous ne serions même pas surpris si, pour donner aux débats une base substantielle et solide, le gouvernement, par une sage imitation du gouvernement anglais, communiquait aux chambres les principaux documens de ses négociations diplomatiques. Trois ministres pourront porter la parole au corps législatif ; mais, douze membres du cabinet sur treize étant sénateurs, à peu près tous les ministres pourront donner des explications au sénat. Il dépendra donc des membres du sénat ou du corps législatif d’obtenir non-seulement des éclaircissemens partiels sur quelques détails de la