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flottante, que le chiffre de 759 millions, qui était celui du mois d’avril de l’année 1860 (d’après le rapport de la commission du budget), est un chiffre fort élevé, qu’il serait imprudent de dépasser, sous peine de s’exposer à tous les dangers qui résultent d’une liquidation forcée en temps de crise. Au lieu d’augmenter cette dette, les efforts doivent tendre à la diminuer. Maintenant, si on consolide le découvert par une émission de rentes, c’est une charge nouvelle qu’on crée à perpétuité pour des besoins ordinaires, et l’équilibre du budget dans l’avenir n’en est que plus compromis ; on ne peut plus l’établir qu’à force d’impôts. Or sait-on ce qui arrive lorsqu’on abuse des impôts ? Il arrive ce qui est arrivé à la Hollande. Cette puissance a perdu à une certaine époque sa grande position industrielle et commerciale, précisément parce qu’elle avait eu le tort d’exagérer les impôts : le capital s’en est éloigné. C’est ce que nous avons déjà éprouvé nous-mêmes dans une certaine mesure depuis que nous avons cm devoir frapper d’un impôt les valeurs mobilières : une grande partie des capitaux étrangers qui venaient sur notre marché n’y arrivent plus. Cette leçon doit nous suffire ; elle nous montre qu’en fait de charges nouvelles il faut être très circonspect, et ne pas compter sur des augmentations d’impôts pour équilibrer les budgets, car les impôts coûtent quelquefois plus qu’ils ne rapportent. Qui oserait soutenir par exemple que depuis l’année 1857, où on a établi l’impôt sur les valeurs mobilières, impôt qui rapporte, dit-on, environ 6 millions par an, on n’a pas fait tort chaque année à la richesse publique d’une somme beaucoup plus forte en éloignant les capitaux étrangers ? — Il pourrait en être de même de tout autre impôt qu’on chercherait à établir. Le meilleur moyen pour équilibrer le budget, c’est de ne rien faire qui puisse entraver le développement de la richesse publique. Avec un budget probable de 2 milliards, lorsque les voies et moyens ne sont établis que pour 1 milliard 845 millions, nous sommes aujourd’hui dans une situation très tendue. Veut-on la détendre, on n’a, si on ne peut mieux faire, qu’à s’arrêter à ce chiffre, déjà fort élevé, et bientôt, si la prospérité continue, grâce au développement normal des revenus indirects, nous pourrons aisément supporter ce budget de 2 milliards, qui en ce moment dépasse nos forces.


VICTOR BONNET.