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de la mauvaise politique ; mais nous ressentirons les mauvais procédés et nous témoignerons que nous les ressentons. Du reste, je crois cette petite affaire finie. M. de Kisselef se conduit ici avec mesure et convenance. Nous serons polis envers lui comme par le passé. On ne fera rien, je pense, à Pétersbourg qui nous en empêche. Ne parlez de ceci que si on vous en parle, et sans y mettre d’autre importance que de faire bien entrevoir notre parti-pris de n’accepter aucune inconvenance. »


Quand j’eus reçu les détails que me donnait M. Casimir Périer sur l’attitude de la cour et de la société à Saint-Pétersbourg, je lui écrivis le 6 janvier 1842 :


« Vous avez raison, monsieur, les détails que vous me donnez sont étranges ; mais s’ils m’étonnent un peu, ils ne me causent pas la moindre inquiétude. Je vois que toute cette irritation, toute cette humeur dont vous me parlez, se manifestent dans la société de Saint-Pétersbourg et point dans le gouvernement. Vos rapports libres avec le monde en sont dérangés, gênés, peu agréables. Vos rapports officiels avec le cabinet demeurent les mêmes, et votre entrevue du 24 décembre avec le comte de Nesselrode, au sujet des affaires de Grèce, en a donné la preuve immédiate.

« Cela devait être, et je n’aurais pas compris qu’il en pût arriver autrement. On n’a rien, absolument rien à nous reprocher. Vous avez été indisposé le 18 décembre. Vous en avez informé avec soin le grand-maître des cérémonies de la cour. Vous avez scrupuleusement observé toutes les règles, toutes les convenances. Le cabinet de Saint-Pétersbourg les connaît trop bien pour ne pas les respecter envers vous, comme vous les avez respectées vous-même.

« M. de Kisselef n’a point paru le 1er janvier chez le roi, à la réception du corps diplomatique. Il était indisposé et en avait informé le matin M. l’introducteur des ambassadeurs. M. de Kisselef est et sera traité par le gouvernement du roi de la même manière, avec les mêmes égards qu’auparavant. Rien, je pense, ne viendra nous obliger d’y rien changer.

« La société de Paris se conduira, je n’en doute pas, envers M. de Kisselef comme le gouvernement du roi. Il n’y rencontrera ni impolitesse, ni embarras, ni froideur affectée, ni désagrémens calculés : cela est dans nos sentimens et dans nos mœurs ; mais la société de Saint-Pétersbourg n’est point tenue d’en faire autant. Elle ne vous doit ni manières bienveillantes ni relations agréables et douces. Si elle ne juge pas à propos d’être avec vous comme elle était naguère, vous n’avez point à vous en préoccuper ni à vous en plaindre. Restez chez vous, monsieur, vivez dans votre intérieur ; soyez froid avec