Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je continue à trouver dans la famille van Vliet des procédés affectueux et délicats qui m’inspirent la plus sincère reconnaissance. Depuis bientôt deux ans que, pour ne plus vous être à charge, pour rompre avec des souvenirs abhorrés, je me suis décidée à quitter l’Europe, je n’ai eu qu’à m’applaudir de ma résolution. M. van Vliet. homme aux instincts élevés sous des dehors un peu brusques, s’est appliqué du premier jour, avec une constance qui ne s’est pas démentie, à me faire oublier ce qu’il y a d’inférieur et de précaire dans la position d’une gouvernante. Ma pupille Anadji, hier une enfant, aujourd’hui une charmante jeune fille, est devenue pour moi une amie dont la naïve tendresse paie, et au-delà, les soins que j’ai donnés à son éducation. Partout ici je rencontre une cordiale sympathie que j’apprécie à sa juste valeur, et qui m’attache plus que je ne saurais dire à ce lointain pays. Il n’est pas jusqu’au frère de M. van Vliet, brave et digne marin, qui ne saisisse avec empressement toutes les occasions de me témoigner sa sincère amitié. Dans le courant de la dernière semaine, ma pupille et moi avons reçu une boîte pleine de charmantes choses de l’Inde, que l’excellent Hendrik nous a adressée de Calcutta, où il a été envoyé, il y a plus de trois mois, avec la corvette qu’il commande. Charmans et de grand prix, comme le sont ces objets, ai-je besoin de vous dire que le fidèle souvenir dont j’ai trouvé la preuve dans cet envoi m’a fait mille fois plus de plaisir que les objets mêmes ? Nous nous faisons une fête de revoir bientôt parmi nous le commodore (c’est le petit nom que nous donnons dans la famille au brave Hendrik). Des lettres toutes récentes de Singapour, où la corvette a été obligée de s’arrêter par suite d’un accident de machine, nous annoncent pour la fin du mois l’arrivée du cher marin, en compagnie d’un voyageur français avec lequel il s’est lié d’amitié au Bengale, et dont sa correspondance nous trace le plus aimable portrait. À la première nouvelle de cette visite inattendue, M. van Vliet s’était bien promis de ne pas déroger à ses habitudes de cordiale et splendide hospitalité. Vingt projets de promenades, de chasses aux daims et aux sangliers avaient été proposés pour célébrer dignement la présence du voyageur français dans les plantations de Tjikayong. Malheureusement une affaire importante obligera peut-être M. van Vliet à, partir sous peu de jours pour Sumatra, et à faire dans cette île voisine un séjour assez prolongé. Ce départ ne changera rien cependant au programme des réjouissances, et, en l’absence du maître du logis, le commodore et moi serons spécialement chargés de donner à l’étranger une juste idée de ce beau pays et des mœurs hospitalières de ses habitans. Vous pouvez être sûr que je ferai de mon mieux pour que les intentions du maître soient scrupuleusement remplies. Un compatriote a bien des droits à mon bon accueil…