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REVUE. — CHRONIQUE.

pensé qu’il y avait de sérieux services à rendre à la vérité historique. Il y a quelques années, MM. de Goncourt publiaient, sous le titre un, peu ambitieux d’Histoire de la Société française pendant la Révolution et le Directoire, un tableau parfois émouvant et dramatique de la période qui s’écoula entre la chute de l’ancienne monarchie et le consulat. Plus tard, ils entreprenaient de raconter la vie de la reine Marie-Antoinette, et dans le tableau qu’ils nous donnaient du salon des Polignac, ils déployaient la plupart des heureuses qualités qui devaient se retrouver à un degré encore supérieur dans ces derniers volumes sur le XVIIIe siècle. Ici en effet on n’a pas seulement à signaler la piquante justesse des appréciations, la vérité de quelques portraits tels que ceux de Marie Leczinska et de M. de Choiseul. Ce qui recommande surtout ces nouvelles études sur le règne de Louis XV, c’est la connaissance laborieusement acquise des moindres détails d’un temps avec lequel l’intelligence des auteurs est dès longtemps familiarisée. S’ils ont voulu prouver que l’histoire anecdotique peut avoir sa valeur, ils y ont réussi ; loin d’éloigner des grandes vérités historiques, leurs recherches, heureusement dirigées, y ramènent l’esprit de leurs lecteurs. Ils n’ont rien oublié des moindres vestiges de ce XVIIIe siècle qu’ils nous font si bien connaître ; les pastels de La Tour, les toiles de Boucher, les terres cuites de Clodion, les merveilles d’ébénisterie de Riesener, les comptes de toilette de la reine de France, tout a trouvé place dans leur livre : ils nous montrent même sous tous ses aspects charmans le pavillon de Luciennes, cette digne petite maison des petits arts du XVIIIe siècle, qui engloutit des millions, et que Fragonard, Rottiefs, Pajou, Greuze, Vanloo, ornèrent à l’envi. MM. De Goncourt ont su être artistes sans altérer l’histoire, et tout en sacrifiant un peu trop, pour donner de la grâce à leur récit, au charme des chroniques intimes, Ils n’en ont pas moins su caractériser avec une judicieuse délicatesse les situations et les hommes.

V. de Mars.


La première partie de notre étude sur la comtesse d’Albany renfermait deux légères erreurs de détail au sujet de M. le comte de Vaudreuil, erreurs insignifiantes au fond, mais que nous nous empressons de rectifier, d’abord parce qu’il faut être exact, même dans les plus petites choses, et surtout parce que la famille de M. de Vaudreuil a paru y attacher quelque importance. Le premier point est relatif à l’arrestation de Charles-edouard en 1748 et au rôle qu’a joué M. de Vaudreuil en cette pénible affaire. D’après le récit de M. de Reumont, combiné avec les documEns contemporains, nous avions cru que Charles-Édouard, arrêté à l’Opéra par M. le duc de Biron, avait été conduit à Vincennes par M. le comte de Vaudreuil, commandant de la gendarmerie. Nous nous trompions : ce n’est pas à titre de commandant de la gendarmerie, c’est à titre de major-général des gardes-françaises que M. de Vaudreuil, obéissant à l’ordre de son colonel, le duc de Biron, arrêtait à l’Opéra le vainqueur de Preston-Pans. M. de Vaudreuil, qui s’était illustré lui-même à Fontenoy en 1745, n’obtint que plus tard le commandement de la gendarmerie. Nous rectifions ce détail puisqu’on le désire, mais nous n’avons pas besoin sans doute de faire remarquer que cette rectification ne change absolument rien au fond du récit. Nous n’avons pas dit