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fection internationale, le sentiment anti-autrichien y est pour une grande part. Il faut reconnaître que tous les hommes éminens du parti libéral n’ont point suivi M. de Vincke dans son hostilité contre l’Autriche. Un membre très judicieux du parti démocratique, répondant aux préoccupations de ceux qui croient que l’hégémonie prussienne hériterait de tout ce que perdrait l’Autriche dans la confédération, leur a fait observer que l’écroulement de l’empire d’Autriche ne laisserait point un vide absolu, et que ses provinces allemandes se réuniraient à l’Allemagne méridionale, tandis que ses autres provinces formeraient un état slave dont le voisinage ne serait point commode pour la Prusse. La sagesse serait que la Prusse pût former une alliance sincère avec l’Autriche, mais avec cette Autriche régénérée dont M. de Schleinitz a parlé. La régénération de l’Autriche, voilà le problème ardu qui se dresse devant l’Allemagne et devant l’Europe. L’Autriche pourra-t-elle se régénérer ? Qui oserait le prédire en ce moment ? Elle traverse en effet l’épreuve la plus critique, placée entre un régime qui vient d’être aboli et des institutions nouvelles qui sont en préparation, dont elle n’a point encore coordonné l’ensemble, et qui vont fonctionner au milieu des difficultés les plus graves. L’Autriche avait été jusqu’à présent une véritable fédération de populations hétérogènes, dont le lien était un pouvoir politique absolu, servi par une armée imposante. Il s’agit d’en faire une fédération ayant pour lien un système représentatif nouveau et compliqué. Même dans des confédérations qui parlent la même langue, et dont toutes les parties sont régies par des institutions locales analogues, on voit, par l’exemple actuel des États-Unis, combien l’unité est difficile à maintenir à travers l’antagonisme acharné des intérêts et des passion rivales. On dirait en cet instant qu’une seule force, la force centrifuge, agisse sur les élémens de l’empire autrichien : la force de cohésion sera-t-elle dans le statut que prépare en ce moment M. de Schmerling, qui s’applique avec une énergie digne du succès à concilier dans les nouvelles institutions les garanties de la liberté avec l’unité de l’empire ?

Ce qu’on peut dire de mieux de la situation des États-Unis telle que la font entrevoir les dernières nouvelles, c’est que le conflit violent, la lutte armée entre les états séparatistes et le pouvoir fédéral ont été ajournés, et que l’on peut espérer que l’on maintiendra jusqu’à l’inauguration du nouveau président cette trêve dont nous parlions il y a quinze jours. C’est beaucoup dans la crise politique traversée par l’Union de gagner du temps pour la paix. Il semble que ce temps doive profiter aux pensées de transaction et de compromis. Déjà en effet un des états les plus importans de l’Union, la Virginie, intermédiaire naturel par sa position géographique entre le nord et le sud, cherche à s’interposer entre les deux partis extrêmes. Un de ses citoyens les plus distingués, l’ancien président Tyler, a pris l’initiative de cette œuvre de conciliation. Il est pourtant difficile de comprendre, de ce côté de l’Atlantique, sur quelle base on pourrait s’accorder. Le sud veut plus de garanties qu’il n’en possédait pour la conservation du droit de pro-