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et leur assurent une importance considérable dans l’histoire des premiers progrès de la gravure.

Nous n’avons pas à parler ici des travaux et des maîtres appartenant à notre pays. Venue la dernière et n’ayant commencé à prendre rang parmi les grandes écoles de gravure qu’à partir de la seconde moitié du règne de François Ier, notre école a des origines relativement modernes et, au début, une physionomie d’emprunt. Lorsque Jean Duvet, Etienne de Laulne et les graveurs qui s’étaient formés auprès des peintres de Fontainebleau introduisaient l’art en France, ils prétendaient surtout y propager le goût et les traditions de la manière italienne. Tout change, il est vrai, dans le siècle suivant. En s’inspirant encore, en s’aidant des exemples étrangers, Pesne, Gérard Audran, Morin, Nanteuil et bien d’autres sauront aussi faire acte d’indépendance. Traitées par eux avec une habileté incomparable, la gravure d’histoire et la gravure de portrait exprimeront cette harmonie de toutes les qualités, cette haute raison pittoresque, qui constituent l’originalité de l’art français, et qu’on retrouve encore aujourd’hui dans les œuvres de quelques talens d’élite, héritiers d’une tradition au-dessus des contrefaçons mécaniques et de l’exactitude mensongère de la photographie… Mais il est temps de nous arrêter et de résumer en quelques mots la pensée de cette étude.

Les origines de la gravure recherchées, suivant les procédés actuels de la critique, non dans les œuvres où l’art s’annonce et déjà se formule, mais dans celles où l’on ne peut reconnaître qu’un commencement d’expérience matérielle, un essai timide du moyen, appartiennent à cet ordre de questions strictement archéologiques qui, une fois approfondies, doivent être résolues en termes succincts. Nous donner la nomenclature de toutes les pièces qui présagent bien moins qu’elles ne rendent désirable la venue prochaine des talens, ne nous faire grâce, dans cette période des tâtonnemens grossiers, ni de la plus informe esquisse, ni d’une conjecture sur sa provenance, ce n’est pas seulement abuser de certaines facultés personnelles ; c’est aussi courir le risque de rebuter notre attention et de nous ôter bientôt toute envie d’apprendre. Plus d’un ouvrage sur l’histoire de l’art publié à l’étranger a ce double défaut, plus d’un même en France, se ressent de cette manie toute moderne de s’appesantir sur les détails techniques, de scruter longuement les moindres faits, d’exagérer le prix des plus minces découvertes. Et ce n’est pas uniquement en ce qui concerne la gravure qu’on sacrifie ainsi le principal à l’accessoire et l’étude féconde à une stérile curiosité : le mal sévit dans une sphère plus haute, il n’épargne pas même les travaux les plus imposans de l’ébauchoir et du pinceau.

On a reproché parfois à la critique française en matière d’art ses habitudes, avant tout littéraires, ses entraînemens idéalistes, sa