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Lorsque, peu d’années auparavant, le graveur de cette suite de pièces sur la Passion que nous avons citée essayait d’imprimer ses planches, il ne s’agissait pour lui que d’obtenir le fac-simile de quelques épais contours, l’image de quelques figures dépourvues de modelé et cernées de traits aussi rudes que les tailles xylographiques. À son grossier ouvrage, un mode d’impression grossier suffisait, et le frotton dont les graveurs sur bois se servaient pour tirer des épreuves pouvait être ici un instrument bien approprié au caractère même du travail et à la lourde simplicité du faire. Il n’en allait pas ainsi des œuvres de Finiguerra. Pour que la Paix de Florence produisît une estampe conforme à la délicatesse de chaque détail, pour que cette multitude de petites figures si finement dessinées fussent transcrites avec précision, il fallait soumettre à une pression plus puissante et plus égale le papier en contact avec la planche originale. Finiguerra, dit Vasari, imagina de promener sur l’une et l’autre un rouleau pesant et parfaitement lisse. Si incomplet que fût encore le moyen, en comparaison de l’action de la presse et des procédés de tirage que les derniers perfectionnemens de l’imprimerie allaient bientôt populariser, il y avait là néanmoins une amélioration notable et un bon exemple fourni. Est-il besoin d’ajouter que des progrès plus significatifs, des exemples bien autrement utiles devaient ressortir de la publicité donnée à cet excellent ouvrage ? Le style à la fois naturel et choisi, la véracité exquise, l’élévation du sentiment et du goût, toutes ces qualités, florentines par excellence, mais que le ciseau, le pinceau ou le crayon avaient seuls traduites jusqu’alors, devenaient maintenant le lot du burin et la loi nécessaire de la gravure. On sait avec quelle puissante docilité les autres écoles de l’Italie acceptèrent les leçons venues de Florence. À Padoue, à Venise, à Bologne, à Modène, ce fut à qui les mettrait le mieux à profit, et depuis Mantegna jusqu’à Mocetto, depuis Francia jusqu’à Battista del Porto, des graveurs, maîtres à leur tour, continuèrent, à la fin du XVe siècle ou au commencement du XVIIe, ces nobles traditions qui allaient trouver sous la main de Marc-Antoine leur forme souveraine et leur expression achevée.

En Allemagne, l’influence exercée presque simultanément par le maître de 1466 et par Martin Schöngauer n’est ni aussi spontanée dans son principe, ni aussi heureuse dans ses résultats. Nous avons vu que, sauf certaines inclinations toutes nationales, ces deux artistes procèdent assez directement de l’école néerlandaise, et l’on peut dire d’eux qu’en installant l’art dans leur pays, ils ne laissèrent pas de l’étayer de quelques-uns des progrès accomplis déjà dans un pays voisin. Peu importe d’ailleurs. Leur part d’originalité est assez large encore, le progrès qu’ils représentent est assez décisif et l’habileté dont ils font preuve trop nouvelle là où elle se