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pour plaire à l’économe et au maître, il aggrave sans pitié le travail des nègres qu’il commande[1]. Les membres de la famille du maître sont également redoutables pour les pauvres nègres. Ainsi le petit créole bat le négrillon qui le sert sans penser qu’il endommage son capital ; la jeune dame élégante et vaporeuse fait fustiger sa femme de chambre sans voir dans ce traitement une grande perte pour la fortune de son père ou de son mari. Avec la perversité que les femmes méchantes apportent dans le crime, on ne doit pas s’étonner que les plus grandes atrocités de ce genre aient été commises par des femmes hystériques ou jalouses poussant la haine jusqu’aux dernières limites de la cruauté. On m’en citait une qui gardait toujours son fouet dans la main, et même à l’heure des repas l’attachait au poignet, afin de pouvoir frapper en mangeant. Une autre, torturée sans cesse par des ressentiments d’amour, faisait enchaîner chaque nuit une mulâtresse au pied de son lit, et son premier acte, au moment du réveil, était de saisir un fouet et d’en cingler les chairs de l’esclave. Une troisième dame, charmante et d’une amabilité suprême, avait à demi enterré des négresses au fond d’une cave et leur brûlait périodiquement les entrailles avec un fer rouge. Il est vrai que la populace insurgée de la Nouvelle-Orléans assaillit la demeure de cette furie ; malgré la résistance de quelques créoles, la foule mit en liberté les corps à demi putréfiés, mais encore vivans, qui s’agitaient dans leurs chaînes, et livra aux flammes cette maison d’infamie. Si la loi de Lynch ne fût pas intervenue pour mettre un terme à de pareilles atrocités, il est probable que la loi officielle n’eût rien fait ; tout au plus se fût-elle hasardée à infliger une légère amende.


II.

Souffrances physiques ou maladies ne sont rien cependant en comparaison de l’avilissement moral, car elles n’atteignent que l’individu, tandis que la dégradation de l’âme corrompt toute la population esclave, pourrit jusqu’au cœur non-seulement la génération présente, mais encore celles qui sont à venir, corrode la race tout entière jusque dans ses germes de renouvellement, et justifie les oppresseurs à leurs propres yeux en pétrissant de plus en plus les esclaves pour la servitude. Le nègre frappé est atteint dans

  1. Qu’on lise à la quatrième page des journaux américains la liste des esclaves mis à l’encan, et l’on sera frappé du nombre considérable de nègres et de négresses affligées de hernies. L’extraordinaire fréquence de ce genre de maladie indique évidemment l’excès de travail.