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mourant ne pourrait plus donner la liberté à ses esclaves. Seuls entre tous, le noir qui révèle une conspiration est émancipé par ordre des chambres ; le traître à sa cause est le seul qui mérite la liberté.

Si les lois déjà promulguées et celles que l’on discute sont d’une rigueur sans exemple contre les nègres libres, elles ne sont pas moins sévères contre ceux des blancs qui fraient d’ordinaire avec les nègres. Celui qui joue à n’importe quel jeu de hasard avec un homme de couleur, esclave ou libre, ou bien seulement celui qui assiste sans rien dire à un jeu de cette espèce entre des personnes de couleur perd pour ainsi dire sa qualité de blanc devant la loi, et, comme un vil nègre, est condamné à recevoir trente-neuf coups de fouet ; en outre, il est puni de la prison et paie une amende, dont la moitié est destinées au dénonciateur[1]. Quant aux abolitionistes, ils sont l’objet de la haine toute spéciale des codes noirs. Sont condamnés à mort tous ceux qui, en paroles, en actes, par écrit ou de toute autre manière, ont conseillé à un ou plusieurs esclaves de s’insurger, à mort ou aux travaux forcés pour la vie tous ceux qui, par lettres, brochures ou imprimés quelconques, publient quoi que ce soit pouvant produire un certain mécontentement parmi les noirs libérés ou pousser les esclaves à l’insubordination, à mort ou aux travaux forcés de cinq à vingt et un ans tous ceux dont le langage, les signes ou les actions pourraient exciter une certaine irritation parmi les nègres libres ou les esclaves, tous ceux qui sciemment introduisent dans l’état des journaux, brochures ou livres contraires à l’institution de l’esclavage. Celui qui enlève un esclave ou le cache pour le faire échapper est passible de trois à sept ans de travaux forcés ; celui qui enseigne ou permet d’enseigner à n’importe quel esclave à lire ou à écrire doit subir, d’après la loi, de un à douze mois de prison ; celui qui donne asile à des esclaves en fuite est plus coupable : il est condamné à un emprisonnement de six mois à deux ans, et à une amende de 200 à 1,000 dollars[2].

Telles sont aujourd’hui les dispositions principales des codes noirs ; elles montrent d’une manière irrécusable de quel esprit les législateurs élus qui devaient représenter la conscience de la nation sont animés envers la race asservie. Mais à quoi sert de discuter les articles de ces codes ? Il n’est plus de code ni de loi ; les passions furieuses règnent seules dans les états du sud. À chaque nouvelle session, les législatures esclavagistes rétractent comme trop douces les lois déjà terribles de l’année précédente et votent des mesures féroces contre les nègres libres, les abolitionistes, les suspects de

  1. Negro-law of South-Carolina, pages 15 et 16
  2. Code noir de la Louisiane et Negro-law of South-Carolina, passim.