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reste donc plus pour les esclaves, ces gens réputés infâmes, que deux peines infamantes : le fouet et la pendaison. Cette dernière est rarement appliquée, excepté dans les époques d’insurrection, où le danger des blancs exige de rigoureuses mesures de salut public ; d’ordinaire les propriétaires d’esclaves font tous leurs efforts pour empêcher la condamnation de leurs nègres à la peine capitale, car le gouvernement ne leur paie que 300 dollars par tête de condamné, c’est-à-dire au plus le cinquième de ce que cet esclave leur a coûté. Le fouet, cet instrument si commode, les dispense le plus souvent de la triste nécessité de se ruiner en laissant pendre leur propre nègre. On bat, on fouette, on enlève des lanières de chair sans que pour cela l’esclave soit en danger de mort, et après quelques jours de souffrances et de gémissements le torturé recommence son travail dans le champ de cannes ou de cotonniers. Il est vrai que pendant les jours de surexcitation populaire les nègres insurgés ou coupables de meurtre ne peuvent compter sur l’avidité de leurs maîtres ; réclamés à grands cris par la populace ou par les planteurs ameutés, ils sont livrés à la foule et aussitôt pendus à un arbre, déchirés en morceaux ou même brûlés vifs. Dans les derniers temps, ces scènes d’épouvante se sont renouvelées fréquemment au sud des États-Unis, et la terrible loi de Lynch menace de remplacer toutes les autres.

Le texte de la loi ordinaire condamne à mort le nègre qui frappe et blesse son maître, sa maîtresse, leurs enfans ou l’économe blanc qui le dirige, à mort celui qui mutile volontairement un blanc, à mort celui qui pour la troisième fois frappe un blanc, à mort celui qui poignarde ou tire un coup de fusil avec intention de tuer, à mort l’empoisonneur, l’incendiaire, le voleur, le rebelle, au fouet celui qui se promène sans permis, celui qui ose monter à cheval sans autorisation spéciale, celui qui travaille peu au gré de l’économe, celui qui pour une cause ou pour une autre a le tort de déplaire à son maître. L’esclave doit toujours, sans exception, exécuter les ordres du blanc, et pourtant s’il obéit à la parole du maître qui lui ordonne d’incendier le gerbier ou de détruire la maison d’un planteur, il sera fouetté ou souffrira toute autre punition corporelle ; quant au maître il est condamné seulement à payer des dommages-intérêts. Ainsi l’esclave est également coupable dans les deux cas, qu’il obéisse ou qu’il se permette de désobéir ; l’instrument est toujours puni, qu’il soit rebelle ou docile. Quand un esclave a été condamné à une punition quelconque, il ne peut être mis en liberté avant que son maître n’ait payé les frais de poursuite ; si le propriétaire se refuse à payer, le nègre reste indéfiniment prisonnier, coupable de l’insolvabilité du planteur. Tous les jugements portés contre les noirs sont rendus par des tribunaux qui se composent, selon les