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mouvement qui a envahi la France depuis plus d’un demi-siècle, et qui l’a transformée. Cette séparation de la puissance spirituelle et de la puissance temporelle, qui est le caractère des événemens actuels, elle existe pour nous, elle est notre loi, et de plus c’est par cette séparation même que la paix s’est rétablie entre la société civile et l’église; c’est sous l’influence de cette séparation que les idées religieuses ont retrouvé par degrés, depuis le commencement de ce siècle, un ascendant croissant, et elle n’est même peut-être pas étrangère à la spontanéité, à la vivacité des manifestations qui ont pu se produire en faveur de la papauté. Et voilà pourquoi les interventions de la France sont nécessairement limitées à ce qui intéresse l’indépendance réelle du saint-siège, le prestige moral de sa situation, sans pouvoir devenir une arme contre les aspirations civiles et nationales de l’Italie.

Certes rien n’est plus saisissant et plus instructif que le spectacle de ce mouvement où toutes les politiques, toutes les puissances morales, toutes les passions sont aux prises, dont l’Italie est le centre enflammé, et qui reste encore une énigme tenant l’Europe dans une attente inquiète... Qu’arrivera-t-il de cette situation faite à la papauté et à l’Italie? Dans cette multitude de péripéties qui remplissent ces deux années et qui se déroulent à travers la péninsule, il y a un fait supérieur et distinct : c’est qu’à plus d’un moment le saint-siège aurait pu échapper aux extrémités qui sont venues successivement l’assaillir. Je ne parle plus même du temps où la papauté, en accomplissant spontanément des réformes, aurait pu conserver l’intégrité de ses possessions et vivre en paix avec l’Italie marchant vers un affranchissement légitime; mais, lorsque la Romagne était déjà à demi détachée, la cour de Rome aurait pu sauver son existence temporelle en acceptant cette combinaison d’une administration séparée qui n’avait rien d’inconciliable avec l’autorité pontificale, et qui engageait moralement la France dans une expérience proposée par elle. Le vicariat des Légations conféré au Piémont avait un caractère plus grave sans doute; mais c’était un moyen d’arrêter les événemens, de lier le Piémont lui-même, qui contractait l’obligation de reconnaître la souveraineté politique du saint-siège, de défendre son indépendance, même par les armes, et de payer un tribut à la cour de Rome. Enfin, lorsque l’annexion de la Romagne au Piémont était définitivement et absolument accomplie, les propositions du mois d’avril dernier, sans impliquer une sanction des faits réalisés, préservaient du moins le reste des états pontificaux, et assuraient au saint-siège l’appui régulier, permanent, des puissances catholiques. Ce n’était pas une solution, observera-t-on. Ce n’était pas une solution en effet, pas plus que la double