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droits sacrés du pontificat. — En effet, disent les autres, le pape ne peut accorder ce qu’on lui demande sans abdiquer; la papauté temporelle est incompatible avec toutes les conditions de la civilisation moderne, et voilà pourquoi il faut la supprimer. — C’est entre ces deux opinions que se trouvent serrés ceux qui croient à la possibilité, à l’efficacité d’un système de réformes, qui pensent que dans la civilisation moderne il n’y a rien d’incompatible avec la papauté. Et pendant ce temps ce qui n’était la veille qu’une affaire de réformes devient un démembrement partiel le lendemain; ce qui n’était qu’un démembrement partiel devient une dépossession presque totale, — qui ne laisse intact que. Le vieux patrimoine de saint Pierre, grâce encore à la protection de nos armes. N’est-ce point l’histoire de la papauté contemporaine?

Lutte étrange et émouvante, que le caractère même du pontife en qui elle se personnifie rend peut-être plus émouvante encore. On a cru quelquefois tout expliquer en attribuant au cardinal Antonelli la politique suivie par la cour de Rome depuis quelques années. Souple, intelligent et habile, le cardinal Antonelli représente certainement cette politique et la soutient avec sang-froid; mais c’est une illusion de croire qu’il est tout et qu’il fait tout. Il eut disparu quand on l’a demandé peut-être, rien n’eût été changé. Au fond, la résistance vient de toute une politique et du pape lui-même, de Pie IX, — non par une obstination vulgaire, mais par ce qu’il considère comme le devoir du pontife. Ce n’est pas manquer de respect au caractère sacré du saint-père de dire qu’il représente merveilleusement un de ces princes sur la tête desquels viennent se résoudre ces luttes qu’ils n’ont pas provoquées, dont ils sont innocens, et qu’ils aggravent peut-être quelquefois par la consciencieuse ingénuité qu’ils portent dans des situations exceptionnelles. Ami du bien, désireux d’améliorations sans nul doute, mais lié par le devoir du prêtre, tel qu’il l’a reçu et tel qu’il se croit tenu de le transmettre, il porte en lui toutes les agitations, toutes les anxiétés, tous les combats qui naissent de cette double condition : prompt au découragement comme à la confiance, facilement accessible à l’émotion, et prêt à accepter toutes les épreuves. Ce n’est pas avec son esprit qu’il voit ce qu’il doit faire, c’est avec son âme pieuse et pure, et les crises mêmes de sa vie ont développé en lui une ardeur religieuse qui va aisément jusqu’au mysticisme, une susceptibilité intérieure toujours portée à s’alarmer. C’est par une obligation de pontificat qu’il s’est engagé dans la lutte, et il la soutient avec l’honnête ardeur d’une nature faite pour la méditation et la prière plus que pour l’action, — d’une nature qui se repent de la popularité qu’elle a aimée par une résistance dont elle souffre elle-même. — Mais 1846! direz-vous; Pie IX n’arrivait-il pas au trône les