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démarche du saint-siège était connue d’avance à Naples. Enfin l’émotion même qu’une crise de cette nature était faite pour éveiller dans le monde catholique, dans l’épiscopat français, prenait une expression qui, en arrivant à Rome, devenait un signe peut-être exagéré des dispositions réelles de l’opinion publique en France.

Et voyant cela, croyant trop aisément que tout conspirait pour lui, le saint-siège attendait. Que résultait-il de ce système de temporisation qui durait depuis plus de trois mois? Le souverain pontife faisait comme les autres princes dépossédés de l’Italie, qui, au lieu d’aller dès le premier instant au-devant de l’opinion, de la désarmer par leurs concessions opportunes, semblaient tergiverser, et pendant ce temps les manifestations se succédaient et prenaient un caractère plus éclatant; l’Italie s’engageait de plus en plus dans son mouvement d’unité, et la scission devenait irréparable pour le pontife comme pour les ducs. Ce qui n’était au mois d’août 1859 qu’une révolution encore incertaine et mal organisée devenait au mois de décembre un gouvernement appuyé sur des assemblées, défendu par une armée, et dès que le principe de non-intervention était maintenu, la diplomatie était assurément impuissante à ramener la Romagne soumise sous l’autorité du saint-siège.

On ne voyait pas à Rome que rien ne répondait mieux peut-être Aux vœux secrets du Piémont, que dans une situation comme celle de l’Italie les impossibilités croissaient d’heure en heure, et que c’était tout perdre que de prétendre ne rien céder, en se réfugiant dans une politique d’ajournement, en laissant s’accomplir, s’organiser et durer une séparation bien autrement grave que n’eût été une administration distincte spontanément accordée à la Romagne. On ne voyait pas de plus que c’était accepter une part de responsabilité dans l’inexécution des plans de Villafranca, uniquement fondés sur la réconciliation des pouvoirs et des populations. Aussi, lorsqu’il devenait trop visible que ces engagemens tombaient d’eux-mêmes, par l’attitude des princes aussi bien que par les manifestations des assemblées de l’Italie centrale en faveur de la réunion au Piémont, ce n’était plus seulement une administration séparée de la Romagne qui répondait à cette j)hase nouvelle, c’était une semi-indépendance sous la forme d’un vicariat exercé par le Piémont. Ce fut, on le sait, la combinaison indiquée par la France, proposée directement au saint-père par le roi Victor-Emmanuel. Quelle était la valeur de cette idée? C’était simplement un moyen de sauver le principe de l’intégrité des droits temporels du saint-siège, en le conciliant avec le vœu des populations, avec une Italie indépendante et pacifiée, et en détournant de nouveaux déchiremens par la garantie du reste des états pontificaux. Et ici je ferai remarquer que cette idée, quelque forme qu’elle affecte, de quelque nom qu’on la nomme, admi-