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réformes intérieures qui lui étaient proposées. Ces réformes elles-mêmes pourtant, elle les acceptait avec une visible méfiance, sans y voir une nécessité réelle, sans croire à un résultat, et au moment décisif, lorsque le motu proprio était déjà préparé, elle s’arrêtait tout à coup et se rejetait dans cette politique d’évasion qui a peut-être été quelquefois la force défensive, mais qui a été plus souvent le piège du gouvernement pontifical.

On a dit, et lord Cowley lui-même a écrit dans une dépêche, que le souverain pontife, en se montrant prêt à accomplir les réformes, avait demandé une garantie de l’intégrité de ses états que la France n’avait pas cru pouvoir lui donner, et qu’alors les négociations avaient été suspendues. En réalité, la France n’avait pu refuser ce qu’on ne lui avait pas demandé ; la cour de Rome n’avait accepté les réformes qu’en se réservant le choix du moment où elle les promulguerait, et ce moment était subordonné à ses yeux à la récupération de la Romagne, qui ne pouvait s’accomplir manifestement que par les armes, c’est-à-dire par l’abandon du principe de non-intervention, au lendemain d’une guerre entreprise pour faire prévaloir ce principe, de sorte qu’on tournait vraiment dans un cercle vicieux. Dans l’esprit de la France, les réformes étaient un moyen puissant de pacification; dans l’esprit du saint-siège, elles étaient le prix de la soumission d’une province rebelle, et dès lors il est clair qu’une négociation n’avait plus d’issue.

A quoi tenait cette politique évasive dans laquelle se réfugiait de plus en plus le gouvernement pontifical? Je ne veux pas dire qu’il n’y eut un certain sentiment de dignité. D’autres raisons aussi malheureusement contribuaient à encourager la cour de Rome à la résistance, en entretenant ses illusions. D’abord le concours de l’Autriche manquait absolument à la France, malgré l’accord que les préliminaires de Villafranca semblaient avoir prévu entre les deux puissances dans les négociations qui devaient s’ouvrir avec le saint-siège. Nul n’ignorait à Rome que le ministre autrichien, M. Bach, restait à peu près indifférent, ou ne sortait de sa réserve que pour pousser le cabinet du Vatican à la résistance. Pas plus que le cardinal Antonelli, il ne croyait à la vertu des réformes, et peut-être même inclinait-il vers cette politique qui consiste à attendre le bien de l’excès du mal. C’était en outre un moment où tout s’agitait à Rome. Pressée entre la France, qui lui demandait des réformes, et l’Autriche, qui l’en dissuadait sans pouvoir lui offrir un secours effectif, la cour romaine cherchait un appui dans d’autres états catholiques; elle attachait de très près à sa cause la Bavière, l’Espagne; elle nouait des intelligences avec les autres princes italiens dépossédés, ou encore en possession du pouvoir. De Naples à Rome, on s’excitait à résister; les rapports étaient si intimes que plus d’une