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lui ne cachaient pas. La victoire de l’Autriche, c’était la prolongation de ce qui existait; la victoire de la France et du Piémont, c’était le commencement de l’inconnu. Aussi suivait-on à Rome les événeniens avec une singulière anxiété, sans se dissimuler ce qu’il y avait de périlleux dans une neutralité bientôt laissée à découvert par l’Autriche elle-même, — et lorsque la paix de Villafranca retentissait en Europe, la première impression était celle d’un grand soulagement. Seulement quelle serait cette paix, qui avait à concilier le principe de non-intervention et l’intégrité des états de l’église, déjà entamée par la séparation de la Romagne accomplie le 12 juin, la nature universelle du pouvoir pontifical et une fédération inspirée de l’idée de nationalité, les traditions politiques du saint-siège et les réformes intérieures dont la nécessité était proclamée? Ici commence une phase diplomatique où les événemens se précipitent à travers les délibérations impuissantes, et qui est comme le résumé précipité de toutes les impossibilités, de toutes les contradictions accumulées dans les États-Romains.

Prendre hardiment conseil des circonstances nouvelles, entrer sans hésitation dans la confédération nationale de l’Italie, accepter résolument cette pensée de réforme intérieure qu’on ne pouvait éluder, c’était là peut-être l’unique condition possible d’une pacification ou d’une transaction, et c’était l’esprit des premières ouvertures faites par la France sous l’impression même de Villafranca. — La France, on le sait, proposait la présidence honoraire de l’Italie confédérée pour le souverain pontife, une administration séparée pour la Romagne, un ensemble de réformes pour tous les états de l’église. C’était au mois d’août 1859. Dès le premier instant, la cour de Rome ne dissimulait nullement l’insurmontable répugnance que lui inspiraient quelques-unes de ces propositions. Elle repoussait d’une manière absolue la pensée d’une administration séparée dans les Romagnes, et le pape ne cachait pas qu’il aimait mieux perdre une partie de ses états par la force des choses, en protestant et en réservant l’avenir, qu’être complice de ce qu’il considérait comme un démembrement déguisé. La confédération italienne n’inspirait pas moins de craintes à la cour de Rome, et la présidence honoraire qui lui était offerte la troublait plus qu’elle ne la flattait. Il faut bien se dire que l’idée d’une fédération n’a jamais été sérieusement admise à Rome que dans le sens très restreint d’une certaine union d’intérêts de commerce et d’industrie. Pie IX et le cardinal Antonelli ne faisaient, au reste que répéter ce qu’ils ont dit plus d’une fois en allant droit au point délicat : « Si la confédération réclamait un jour notre concours pour repousser les Autrichiens, nous ne pourrions le donner. Le pape ne peut faire la guerre que pour défendre sa personne ou le territoire de l’église. » La cour de Rome acceptait plus aisément les