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une situation où tout est contrainte, qui ne repose que sur une double occupation permanente. Un peu pénibles peut-être pour la susceptilité de la cour de Rome, les discussions du congrès de Paris en 1856 n’étaient pas moins un suprême appel au saint-siège, à sa libre initiative, et comme une attestation nouvelle d’un péril que le temps ne fait par malheur qu’envenimer. Je ne parle pas même d’une dernière tentative dont le gouvernement français eut l’idée en 1857, parce que les propositions conçues par lui et communiquées à l’Autriche revinrent de Vienne dans un tel état que les accepter ainsi modifiées, c’était mettre la main à une œuvre inutile, et que transmettre seul les propositions premières à Rome, c’était aller sans doute au-devant d’une défaite.

Ainsi manifestations européennes et agitations intérieures sont suivies du même résultat, et ne font qu’attester une situation progressivement aggravée. Et si M. L’évêque d’Orléans dans son livre sur la Souveraineté pontificale demande aujourd’hui avec étonnement : « Pourquoi y a-t-il donc encore une question romaine? «  c’est son étonnement qui est fait pour inspirer la surprise. Il y a une question romaine, parce qu’elle n’a jamais été résolue, parce que le problème d’une souveraineté politique ne se résout pas par l’appui d’une force étrangère, parce que la restauration de 1849 n’était pas une solution; c’était une trêve. Il y a une question romaine parce que dans les états de l’église il y a toujours une population qui aspire à s’émanciper dans sa vie civile, à se rattacher au faisceau de la nationalité commune. — C’est l’artifice du Piémont révolutionnaire, dit-on; ce n’est pas cependant le Piémont qui soufflait la révolution dans la Romagne en 1831 et en 1845, et le Piémont était en pleine efflorescence d’absolutisme lorsque Rossi écrivait à M. Guizot en 1832 : « J’espère qu’on est bien convaincu que la révolution dans le sens d’une profonde incompatibilité entre le système actuel du gouvernement romain et la population a pénétré jusque dans les entrailles du pays... Qu’on évacue demain, en laissant les choses à peu près comme elles sont, et on le verra après-demain. » Le cardinal Antonelii a pu dire sans doute par nécessité de situation, par représaille d’interprétation diplomatique, que le vrai peuple n’avait eu aucune part dans les derniers mouvemens de la Romagne, que tout était l’œuvre d’une minorité violente forte de l’appui étranger. Au fond, les membres du gouvernement romain parlent bien autrement dans leurs confidences, et il n’y a que peu d’années qu’un légat de Ravenne écrivait, traçant la situation politique et morale du pays : « S’il ne s’agissait de faits permanens défiant toute espèce de doute, on pourrait être taxé d’exagération; mais les intelligences infinies qui s’étendent du patriciat au garçon de la plus obscure boutique, unis, au mépris du gouvernement, par leurs relations, leurs intérêts