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pontifes, qui trouvait en quelque sorte un piège de plus dans les scrupules d’une conscience pure. C’est à cette situation que répondait le mot de sécularisation; c’était un urgent appel à une distinction salutaire entre les nécessités d’ordre civil et la sphère de l’action religieuse. Rossi, qu’où fait parler quelquefois, disait en effet un mot où passait son âme, justement frappée du rôle éclatant du pontificat : «La papauté est la dernière grandeur vivante de l’Italie! » Il parlait ainsi; mais ce qu’on n’ajoute pas, c’est qu’il y avait un complément à sa pensée : « Le gouvernement temporel. des états pontificaux, reprenait-il, ne peut pas ne pas devenir un gouvernement moderne. » Et lorsque d’un œil hardi et sûr il voyait ces juridictions qui confondaient tout, qui brouillaient tout, cette législation incohérente, composée de droit romain, de droit canon, de motu proprio des papes, de décisions des secrétaires d’état, la justice lente et embarrassée des tribunaux les plus renommés eux-mêmes et les plus dignes de leur renommée, tels que la Rote; lorsqu’il voyait tout cela, il écrivait, avec une conviction aussi ferme qu’attristée : « Hélas ! il faudrait un livre pour indiquer seulement à votre excellence tous les vices de la justice romaine. Qu’elle daigne en croire la connaissance particulière que je dois avoir de ces matières par les études de toute ma vie. Il faut la hache dans ce bois! sans cela, jamais un rayon de vérité et de justice (il n’est pas question ici de politique) ne pourra y pénétrer. » C’est ainsi que la papauté temporelle, en restant un pouvoir d’ancien régime imbu de l’esprit d’église, s’est fait une situation usée, minée de toutes parts, vivant uniquement par la force étrangère, de plus en plus isolée au sein de populations ambitieuses de vie civile et tenues à l’écart de leurs propres affaires, progressivement désaffectionnées. *

Un autre malheur du gouvernement pontifical, c’est qu’en étant déjà en guerre avec l’esprit de progrès civil, et peut-être par la logique d’une invincible solidarité, il s’est trouvé aussi en hostilité avec le sentiment national grandissant en Italie. L’appui de l’ennemi commun a été sa ressource, son piège et sa fatalité : non pas que la papauté, placée au centre du monde catholique et considérant d’un œil égal toutes les puissances, ait eu de parti-pris la pensée de se lier exceptionnellement aux maîtres du nord de l’Italie; la cour de Rome ne se livre à personne, elle n’agit que par des considérations qui lui sont propres, et même, comme elle est d’avis au fond que lorsque des gouvernemens étrangers la soutiennent, ils ne font que leur devoir ou n’agissent que dans leurs intérêts, elle se dispense facilement de toute reconnaissance. Avec une foi en ses destinées qui est son honneur, mais qui ressemble presque à du fatalisme, elle n’accepte les secours humains, de quelque côté qu’ils