Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/850

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dissant à la fois en Europe et en Italie. Ce n’est pas d’hier que ce problème pèse sur le monde ; il a sa racine dans tous les événemens de ce siècle, dans l’histoire même de la papauté. Quand on considère de près cette histoire, que voit-on ? La papauté dans son existence temporelle n’a point été toujours réellement ce que nous l’avons vue. Il y eut des temps où ces possessions, ces villes qui ont formé le domaine du saint-siège, où ces possessions, dis-je, reçues en don, perdues, regagnées et soumises à toutes les variations de la politique, étaient des états à peu près libres, à demi indépendans sous la suzeraineté du pontife de Rome. Bologne, Ferrare, Ravenne, Pérouse, avaient leurs capitulations, leur organisation politique et civile, leurs magistrats, leurs privilèges, leurs franchises. Lorsqu’on dit que la papauté temporelle est ancienne, rien n’est plus certain ; ce qui est relativement nouveau, c’est le gouvernement ecclésiastique, s’étendant directement à tous les États-Romains et s’infiltrant dans toute la vie intérieure du pays. Ce gouvernement a une date précise et des constitutions qui l’ont fondé, en attendant que la pratique le perfectionnât. En apparence, c’était une réforme constitutionnelle, puisque par la bulle d’Eugène IV, qui lie encore le souverain pontife, le pape ne pouvait plus rien faire politiquement sans le consentement du sacré-collège, devenu le sénat conservateur de l’organisation nouvelle. Par le fait, c’était une transformation totale de la papauté temporelle par la subordination de tous les intérêts civils à la puissance sacerdotale. En des caractères de ce gouvernement, c’est que le pape, absolu extérieurement, vis-à-vis des peuples, ne l’était point du tout vis-à-vis de l’église, à laquelle il livrait la souveraineté, qu’il associait à son pouvoir politique, et qui envahissait tout désormais, les dignités, les fonctions, l’administration publique.

C’est alors que se forme ce vaste système où tout se mêle, les intérêts spirituels et les intérêts temporels, qui est concentré à Rome, mais qui n’a que son centre à Rome, qui embrasse le monde catholique tout entier. Qu’est-il arrivé ? L’esprit de progrès a grandi de toutes parts, la vie civile d’une partie de l’Europe s’est sécularisée, les souverainetés ecclésiastiques ont disparu partout, une multitude d’intérêts ont cessé d’affluer à Rome, et cette puissante hiérarchie, organisée pour gouverner le monde, est restée immobile, confuse, retombant de tout son poids sur les États-Romains, sur ces états trop petits pour être une garantie réelle d’indépendance politique, trop grands pour être administrés comme un couvent, même libre, comme un patrimoine d’église. Je ne veux pas dire que ce gouvernement fût dur et insupportable aux populations ; il avait la douceur des pouvoirs qui trouvent dans l’habitude de l’infaillibilité le