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M. Ricasoli, est une manifestation contre l’Autriche. » Et voilà comment ce qui n’était qu’une utopie, ce qui serait resté peut-être une utopie sans l’excès de la domination autrichienne, est devenu une conception réfléchie, une passion disciplinée, qui a éclaté justement à l’heure où l’on offrait au sentiment national italien une combinaison qu’il avait déjà dépassée dans ces dix ans d’épreuves! C’est la raison générale et supérieure de ce qui est arrivé après Villafranca.

L’unité n’était point sans doute la forme nécessaire de l’idée nationale italienne. Il y a des momens où une fédération a été possible et a pu être la combinaison la plus réalisable, la plus pratique en même temps que la plus conforme aux traditions de la péninsule. Elle eût été possible il y a dix ans, elle l’était peut-être encore avant la guerre, lorsqu’on n’avait pas touché au droit public, lorsqu’aucune rupture trop ostensible et irréparable n’avait éclaté. Au moment de la paix de Villafranca, tout avait changé de face; l’irréparable avait déjà commencé à Florence, à Modène, à Parme et à Bologne. Il faut se mettre au point de vue de l’Italie pour comprendre comment de cette paix qui était assurément un sérieux progrès, et qui offrait le cadre d’une nationalité renaissante, les Italiens ont décliné avec autant de déférence apparente que de fermeté réelle les dispositions organiques pour se saisir uniquement du principe qui leur laissait la liberté de tenter une plus grande aventure.

Quelle était en effet cette paix pour eux? Elle laissait l’Italie fortifiée, il est vrai, d’une province reconquise, mais avec une frontière béante et sans défense sur le Mincio; l’Autriche diminuée sans nul doute, mais opposant toujours le front redoutable de ses forteresses, et dominant, par les postes avancés qu’elle retenait avec calcul sur la rive droite du Pô, le centre de l’Italie. Qu’on le remarque bien, dans ces conditions le problème était moins résolu que déplacé, et la liberté laissée aux Italiens, c’était la certitude de l’annexion, parce que là était la force. L’Autriche disait qu’elle pouvait renoncer à une province qu’elle avait perdue, mais qu’elle ne pouvait livrer les droits de ses alliés au-delà des Alpes; elle n’avait qu’un seul moyen de servir la cause des princes déchus ses alliés : c’eût été, sinon de se retirer entièrement de l’Italie, dit moins déplacer un archiduc à peu près indépendant à Venise, comme le proposait ce petit papier qui circula un jour dans le parlement de Londres, et qui venait, non de l’Angleterre ou de la Prusse, mais de la France. Par là, les restaurations retrouvaient encore des chances, la fédération elle-même redevenait possible. J’ajouterai que, par ce sacrifice intelligent et opportun, l’Autriche n’eut pas seulement sauvé les intérêts des ducs ses alliés, elle eût épargné à la papauté la plus dangereuse épreuve, et ceux des catholiques qui, après avoir été le plus opposés à la guerre, se ré-