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d’investigation sont devenus plus nombreux et plus puissans, le rapprochement est devenu plus intime. La micrographie a démontré entre les élémens de l’organisme animal et ceux de l’organisme humain des ressemblances tout aussi frappantes que l’avait fait l’anatomie; la chimie a conduit au même résultat. Comme il était facile de le prévoir, des organes presque identiques remplissent les mêmes fonctions, et de la même manière. Après s’être assurée de ce fait général, la physiologie l’a mis à profit, et voilà pourquoi tous les jours les physiologistes éclairent l’histoire de l’homme par des expériences qu’ils pratiquent sur les chiens, sur les lapins, et même sur les grenouilles.

Quelques naturalistes, et parmi eux des hommes éminens, ont adopté et cherché à justifier par des considérations scientifiques l’opinion si poétiquement exprimée par Ovide. La station verticale sur deux pieds et le os sublime ont été regardés comme les attributs extérieurs du règne humain. Il est difficile de partager cette manière de voir. Déjà M. Isidore Geoffroy, faisant pour la première fois une objection qui, par une singulière inadvertance, avait échappé à tous ses prédécesseurs, a fait observer que plusieurs oiseaux se tiennent naturellement tout droits. Les pingouins et même une simple race de nos canards domestiques présentent cette particularité. Là cependant n’est pas l’objection la plus grave à l’opinion dont il s’agit. Sous le rapport du mode de station, il n’y a de l’animal à l’homme qu’une différence du plus au moins. Si la station de la plupart des mammifères est horizontale, celle des singes anthropomorphes eu naturellement oblique. Les singes prennent assez souvent et tout ù fait spontanément une attitude qui rappelle celle de l’homme. À ce point de vue, ils sont en réalité de véritables intermédiaires. Il n’y a donc chez l’homme qu’un pas de plus fait dans une direction déjà nettement indiquée; il n’y a qu’un progrès, mais rien d’essentiellement nouveau.

Trouverons-nous les caractères du règne humain dans les facultés de l’esprit? Certes il ne peut entrer dans ma pensée d’identifier le développement intellectuel de l’homme avec l’intelligence rudimentaire des animaux, même les mieux doués. Entre eux et lui, la distance est tellement grande qu’on a))u croire à une dissemblance complète; mais il n’est plus permis de penser ainsi. L’animal a sa part d’intelligence, et ses facultés fondamentales, pour être moins développées que chez nous, n’en sont pas moins les mêmes au fond. L’animal sent, veut, se souvient, raisonne, et l’exactitude, la sûreté de ses jugemens, ont parfois quelque chose de merveilleux, en même temps que les erreurs qu’on lui voit commettre démontrent que ces jugemens ne sont pas le résultat d’une force